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Revue égyptologique — 6.1891

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Nr. 3-4
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Revillout, Eugène: Une importante découverte, [1]: papyrus contenant le célèbre discours inédit d'Hypéride contre Athénogène; lecture faite à l'Académie des Inscriptions et Belles lettres le 18 janvier
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https://doi.org/10.11588/diglit.11061#0198

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156

Eugène Revillout.

même aux admirables plaidoyers de Démosthène.1 Selon l'auteur du traité du sublime, qui
nous a si longuement parlé d'Hypéride, ces deux chefs-d'œuvre étaient le discours pour Phryné
et celui contre Athénogène. Le Musée égyptien du Louvre vient d'acquérir ce dernier.

Permettez-moi, messieurs, d'entrer à ce sujet dans quelques détails.

Il y a environ deux mois un marchand grec,2 accompagné d'un de ses compatriotes,
vint me trouver. Il me proposa d'abord un papyrus hiératique dont il demandait cent mille

1 Ajoutons que les papyrus anglais d'Hypéride» n'avaient pas de date certaine; tandis que le nôtre
remonte avec une certitude absolue à l'époque ptolémaïque. Avec un fragment d'Euripide, que possède égale-
ment le Louvre, c'est le seul papyrus portant un texte littéraire classique qui soit dans ce cas. Pour l'un,
comme pour l'autre, on n'en est pas réduit à rechercher la date d'après certaines analogies d'écriture
— analogies bien vagues et, surtout quand il s'agit d'onciales, permettant des erreurs de plusieurs siècles —
mais ce sont des renseignements intrinsèques précis et écrits qui établissent cette antiquité, si reculée
relativement. En effet, parmi les manuscrits des classiques grecs existant encore, soit sur papyrus, soit sur
parchemin etc., il n'en est pas un pour lequel on a jamais pu supposer un âge dépassant celui-là; et, en
général, ils sont bien loin d'en approcher le moins du monde. Quant aux textes grecs sur papyrus relatifs
à des questions d'affaires, le plus ancien, ou du moins le plus certainement ancien, est l'enregistrement grec
d'un contrat de mariage de l'an 33 de Ptolémée II (Philadelphe) que possède aussi notre Musée égyptien
du Louvre. Nous devons dire pourtant que le Musée de Leide possède un autre texte grec où se trouve
nommé comme régnant un Philadelphe, que l'on croyait généralement être Philopator Philadelphe (ou, en
d'autres termes, Ptolémée Dénys), mais qui me paraît être aussi Philadelphe Ier, — bien que la certitude
ne puisse être la même, puisque nous n'avons pas ici le protocole démotique détaillé par lequel commence
notre contrat de mariage du Louvre. Les Musées égyptiens du Louvre, de Leide et de Marseille sont'
également les seuls qui renferment des enregistrements grecs de contrats passés sous les règnes suivants,
dans ce qui peut être nommé la première période lagide (nous citerons particulièrement une créance datée
de l'an 20 du troisième Ptolémée, Evergète Ier, qui se trouve au Louvre). C'est encore le Musée du
Louvre qui est le plus riche pour la seconde période, celle qui commence aux enfants d'Epiphane et à
laquelle se rattache toute la masse des papyrus grecs archaïques disséminés dans les diverses collections
d'Europe. Mais il faut dire que notre discours d'Hypéride peut très bien avoir été transcrit, comme ont
été écrits les enregistrements dont je parlais tout à l'heure, à la première période ptolémaïque. En effet,
les dates démotiques qui figurent au revers paraissent postérieures de beaucoup à l'œuvre du scribe.
L'une, vers le milieu, peut, il est vrai, se référer à un achat qu'en aurait fait un Egyptien quand il était
encore intact. Mais quand la dernière partie de ce papyrus, dès lors séparée du reste, fut utilisée, à une
autre date, pour écrire des comptes de dépense relatifs à des achats de vin etc., il devait être bien usé
déjà et considéré comme un vieux papier. Il n'est donc pas du tout impossible que l'œuvre du grand
orateur patriote ait été copiée quelques années à peine après le moment où le Macédonien Antipater lui
avait fait arracher la langue et l'avait torturé, avant de le faire massacrer.

Encore une remarque. Notre papyrus avait dû être possédé par d'autres que par des Egyptiens de
race avant de tomber entre les mains de ces derniers. En effet, il porte un assez grand nombre de correc-
tions, faites soit par surcharge, soit entre lignes, et (particularité très exceptionnelle, qui le rend encore plus
curieux,) ces corrections ne sont pas toutes de la même main, ni de la même encre, ni de la même époque.
Malheureusement, elles ne sont pas encore complètement suffisantes; et c'est grand dommage, car tous les
papyrus, tant d'Hypéride que d'Euripide, récemment découverts sont criblés de fautes grossières, prouvant
l'ignorance — en fait de grec tout au moins — des copistes que leur belle écriture faisait choisir en
Egypte pour cette besogne. Il est vrai que peut-être prenait-on dans ce but des zographes ou zogtyphes,
bu écrivains des temples, qui auraient préféré copier un beau rituel hiéroglyphique, — ou un roman démo-
tique, — que les élucubrations de leurs envahisseurs, assez mal comprises par eux. Nous n'insisterons pas
sur la beauté remarquable des larges colonnes régulières de notre document, bien supérieur en cela aux
papyrus anglais d'Hypéride, dont les petites colonnes étriquées n'ont à aucun degré le même œil. C'est à
proprement parler un licre, soigné comme un livre de bibliothèque, comme un des précieux rouleaux dont
Cicéron nous parle si souvent dans sa correspondance avec Atticus et qu'il payait quelquefois si cher.

2 D'après ce que nous savons de la situation et de la résidence du vendeur, ce papyrus semblerait
provenir des environs de Sohag et de Panopolis, ou, dans tous les cas, de la Haute-Egypte. Eappelons que
les papyrus anglais d'Hypéride étaient considérés comme provenant de la Thébaïde.

(a) Il ne faut pas oublier que le Louvre possédait une partie importante d'un de ces papyrus : le commencement du discours
contre Démosthène. Nous aurons à revenir sur ce sujet.
 
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