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Lemonnier, Henry: Quelques idées de Claude Perrault sur l'architecture
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.17395#0359
— 327 —
n’y ont pas assez pensé, il s’en meslera beaucoup d’autres
qui sçavent bien ce qu’ils font quand ils couvrent de ce
respect aveugle pour les ouvrages antiques le désir qu’ils
ont que les choses de leur profession paroissent avoir des
mystères dont ils sont les seuls interprètes h »
Qu’est-ce donc que la beauté architecturale ? Elle a « cela
de commun avec le corps humain qu’elle ne consiste pas
tant dans l’exactitude d’une certaine proportion et dans
le rapport que les grandeurs des parties ont les unes aux
autres que dans la grâce de la forme, qui n’est autre que
son agréable modification, sur laquelle une beauté par-
faite et excellente peut être fondée, sans que cette sorte
de proportion s’y rencontre exactement observée. Car de
même qu’un visage peut être laid et beau (il aurait dû
écrire beau et laid), avec une même proportion, puisque
le changement que l’on remarque dans ses parties, lorsque
par exemple le ris appetisse les yeux et agrandit la bouche,
est pareil à celuy qui arrive au mesme visage, lorsqu’il
pleure : ce mesme changement qui plaist dans l’un estant
désagréable dans l’autre; et qu’au contraire deux visages
avec des proportions différentes peuvent avoir une égale
beauté. On voit aussi dans l’architecture des ouvrages
avec des proportions différentes avoir des grâces pour se
faire également approuver par ceux qui sont intelligens
et pourvus du bon goust de l’architecture1 2. »
Il s’ensuit que le Beau est œuvre de raisonnement sans
doute, qu’on peut le fonder sur certaines règles, pourvu
qu’elles n’aient pas une rigidité absolue et surtout ne
deviennent pas article de foi, mais qu’il est essentiellement
le produit de l’inspiration. Seulement, Perrault exprime
gauchement cette vérité qu’il entrevoit.
« Mais ceux qui ne demeureront pas d’accord que les
raisons qui font admirer ces beaux ouvrages soient incom-
préhensibles ; après avoir examiné tout ce qui appartient
à ce sujet et s’en estre fait instruire par les plus habiles,
1. Ordonnance des cinq espèces de colonties... Préface,
p. xix-xx.
2. Ordonnance des cinq espèces de colonnes... Préface, p. i
et xi.
n’y ont pas assez pensé, il s’en meslera beaucoup d’autres
qui sçavent bien ce qu’ils font quand ils couvrent de ce
respect aveugle pour les ouvrages antiques le désir qu’ils
ont que les choses de leur profession paroissent avoir des
mystères dont ils sont les seuls interprètes h »
Qu’est-ce donc que la beauté architecturale ? Elle a « cela
de commun avec le corps humain qu’elle ne consiste pas
tant dans l’exactitude d’une certaine proportion et dans
le rapport que les grandeurs des parties ont les unes aux
autres que dans la grâce de la forme, qui n’est autre que
son agréable modification, sur laquelle une beauté par-
faite et excellente peut être fondée, sans que cette sorte
de proportion s’y rencontre exactement observée. Car de
même qu’un visage peut être laid et beau (il aurait dû
écrire beau et laid), avec une même proportion, puisque
le changement que l’on remarque dans ses parties, lorsque
par exemple le ris appetisse les yeux et agrandit la bouche,
est pareil à celuy qui arrive au mesme visage, lorsqu’il
pleure : ce mesme changement qui plaist dans l’un estant
désagréable dans l’autre; et qu’au contraire deux visages
avec des proportions différentes peuvent avoir une égale
beauté. On voit aussi dans l’architecture des ouvrages
avec des proportions différentes avoir des grâces pour se
faire également approuver par ceux qui sont intelligens
et pourvus du bon goust de l’architecture1 2. »
Il s’ensuit que le Beau est œuvre de raisonnement sans
doute, qu’on peut le fonder sur certaines règles, pourvu
qu’elles n’aient pas une rigidité absolue et surtout ne
deviennent pas article de foi, mais qu’il est essentiellement
le produit de l’inspiration. Seulement, Perrault exprime
gauchement cette vérité qu’il entrevoit.
« Mais ceux qui ne demeureront pas d’accord que les
raisons qui font admirer ces beaux ouvrages soient incom-
préhensibles ; après avoir examiné tout ce qui appartient
à ce sujet et s’en estre fait instruire par les plus habiles,
1. Ordonnance des cinq espèces de colonties... Préface,
p. xix-xx.
2. Ordonnance des cinq espèces de colonnes... Préface, p. i
et xi.