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Chatelain, Henri Abraham; Gueudeville, Nicolas [Hrsg.]
Atlas Historique, Ou Nouvelle Introduction A l'Histoire, à la Chronologie & à la Géographie Ancienne & Moderne: Représentée dans de Nouvelles Cartes, Où l'on remarque l'établissement des Etats & empires du Monde, leur durée, leur chûte, & leurs differens Gouvernemens ... (Band 1): Contenant la Grèce, l'Histoire Romaine, Rome Moderne, Naples, la France, l'Espagne, & les Provinces Unies — Amsterdam, 1739

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https://doi.org/10.11588/diglit.9886#0038

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DISSERTATION SUR L'HISTOIRE UNIVERSELLE.

vénérables vieillards un retour de jeunesse & de vi- ,
gueur.C'est ce qu'ont faitcesEcrivains lorsque travail-
lant sur les anciens Manuscrits, ils ont assemblé des
matériaux dispersez ; ils les ont taillez, polis, ajustez ;
en un mot, ils en ont bâti ces beaux & agréables édi-
fices que Ton apelle un Corps d'Histoire. De tout ce
que nous venons de dire, n'allez pas inférer que les
Historiens ne consacrent leurs veilles qu'a l'instruc-
tion des hommes qui sont encore dans le néant. Ils
manient aussi la plume pour le service & pour l'agré-
ment de leur siecle; & il ne tient point a eux que nous
ne soyons instruits à fond de tout ce qui se pasie chez
nos Compatriotes,chez nos Voisins,& parmi les Peu-
ples les plus reculez. La Nation Journaliste suffiroit
pour justifier ce que j'avance.Quel est le but de l'agita-
tion assez rude & assez violente que se donnent ces
Trompettes du Nouvellisme,cesHerauts des bons &
des sinistres succès duGenre humain:A quelle fin sou-
tiennent-ils constamment le poids d'une chaine one-
reuse, & qui leur emporte presque tout le repos, &
tout leloihr de la vie ? N'elt-ce pas pour nous rendre
compte du sort de nos contemporains, &,autant que
cela se peut en général,du sort de tous les hommes qui
marchent avec nous vers le tombeau : Ces obligean-
tes personnes sont dans un mouvement continuel
pour satisfaire notre avidité curieuse, & cependant
Meilleurs les Savans, tout hérissez de Latin & de
Grec, tout enflez d'une érudition qui, quelque pro-
fonde, quelque étendue qu'elle soit, n'élt qu'une sur-
face en comparaison de ce qu'ils ignorent, Meilleurs
les Savans, dis-je, regardent d'un air sourcilleux ces
pauvres Nouvellistes comme le menu Peuple, comme
la Canaille d'une petite Bourgeoisie parmi les Histo-
riens ; quelle ingratitude ! Mais ces Mercures de l'O-
lympe Politique ne sont pas les seuls qui sacrifient leur
tems à nous informer de ce que font les Dieux & les
Puissances delà Terre. Outre cette populace d'Au-
teurs, n'y a-t-il pas desHommes distinguez de la fou-
le, qui s'appliquent à nous faire faire connoisïance
avec nos semblables ? Combien le Cabinet engendre-
t-il de productions, combien la prelTe enfante-t-ellc
d'ouvrages qui ne tendent qu'à cela: Tantôt c'est
l'histoire d'une Monarchie, tantôt celle d'une Répu-
blique , tantôt d'un Etat voisîn,& d'un Gouverne-
ment éloigné. Il n'y a pas jusqu'aux Nations les plus
obscures, les plus sauvages, qu'on ne nous déterre; &
l'on nous montre à notre grande confusion, que ces
peuples censez barbares & farouches, à cause de leur
impolitesse, sont peut-être sur la Terre les seuls dépo-
sitaires du droit naturel & de l'équité. NosHistonens
n'étendent pas moins leurs illustres travaux sur le
particulier que sur le général. Ces Prêtres duTemple
de Mémoire ont soin de trier les personnages, qui se
sont rendus dignes d'y être placez. Les vivans y en-
trent rarement : d'ordinaire ce Temple est pour eux
ce que la Terre promise fut au Législateur des Juiss.
Les Héros en valeur, en bel-esprit, en savoir, mar-
chent avec beaucoup de peine & de fatigue, des qua-
rante années vers cet édisice imaginaire, & très-peu
ont la joie d'y mettre le pié. Mais pour les morts, on
leur ouvre à deux battans. Un Prince, par exemple,
Sui a figuré dans le Monde politique, & dans le pais
de l'héro'isme, a-t-il rendu le dernier tibut à la Na-
tureîon s'empreiTe à lui donner la vie historique,c'est à
Sui canonisera sa mémoire,c'esl à qui retracera l'es bel-
les aâions,c'est à qui en sera le tissu.LePublic est aver-
ti qu'on lui prépare ce nouveau mets, & on lui sert ce
mets avec tant d'impatience, qu'on aime mieux don-

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ner le Héros estropié, mutilé, mal cornu, tout dis-
forme , que de ne pas devancer les rivaux d'honneur,
& encore plus les concurrens de prosit. Jecroi ena-
voir dit asièz, pour faire voir l'obligation que nous
avons aux Historiens. Pour rendre ia balance égale,
on me permettra bien de montrer aussi combien ils
sont redevables au Public connoifïeur & éclairé.
On pressent, je m'aisure,que je veux parler de leurs
défauts. Quelle audace, dira cette Gent délicate &
ombrageuse, quelle audace à ce Critique ignorant de
nous attaquer : Lui qui ne sait ni A ni B dans le docte
détail des saits,lui qui n'a que des idées vagues & con-
fuses de l'Histoire, s'érigcra-t-il en Ccnseur ? Est-il
juge compétent dans un Art dont il ne connoitni la
finesTe, ni la beauté ? Point de chagrin, s'il vous plaît,
Monsieur l'Historien. J'avancerai ici librement, avec
votre permission, ce "que ma Minerve m'inspirera:
c'est ce que je tâche de saire par-tout jusqu'à la barriè-
re de la prudence, & trop souvent au delà.
C'est., à mon goût, un homme bien à charge qu'un
mauvais Historien. J'aimerois autant être condamné
à sousFrir la conversation de ces causeurs importuns,
qui vous étourdissent d'un verbiage cadencé ; qui ne
disent presque rien à propos;qui battent la campagne,
& font d'ennuieux écarts; qui vous infectent de men-
songes, & le tout dans la seule vue de vous persuader
qu'ils sont Commandeurs dans l'Ordre du Bel-Esprit.
Ne fardons point. N'est-ce pas effectivement là l'é-
bauche d'un Narrateur parfaitement mauvais ? Je ne
prétens pas que cet assemblage de défauts se rencon-
tre toujours; mon intention ièroit absurde & ridicule:
je conviendrai même volontiers qu'un Historien de
cette desagreable tournure se montre aussi rarement
que la chauve-souris, oiseau qui ne seroit pas un em-
blème tout-à-fait impropre du vol des méchans Ecri-
vains. Mais il n'est pas extraordinaire que quelques-
unes de ces taches obscurcilTent le lustre de nosllisto-
riens. Examinez bien le stile de quelques-uns. Ce'
sont des périodes diffùsès,farcies de proposkions inci-
dentelles & mal conçues,bigarrées de termes relatifs.
Celt un cercle compliqué que cette période, on ne va
du premier point au dernier qu'avec embarras ; c'est
un partage tout plein de coupures, il y faut sauter de
demi-phrase en demi-phrase,d'idée en idée;& lorsque
déjà hors d'haleine on seflate d'avoir attrapé lç sens
complet, vous êtes contraint de retourner plus d'une
fois sur vos pas; encore bien-heureux si dans un amas
de paroles on voit briller un grain de raison.Mais que
penser de ce bizarre arrangement, où un préambule
de plusîeurs lignes tient l'elprit en suspens, où l'on ne
fixe l'attention du Lecteur qu'après lui avoir dit, De-
vinez; où enfin la personne suit l'ordre du discours,ses
pensées, ses sentimens.ses actions ? Je ne sai si par cet-
te manière d'écrire on étale plus de génie, mais on ne
me dissuadera jamais qu'on s'éloigne du naturel : c'est
comme si un Peintre pour me saire connoître un ori-
ginal, me montroit d'abord le portrait par la parure
& par l'habillement. Aureste, le stile est la partiels
moins considerable de l'Histoire, il n'en est tout au
plus que la couture, & que la façon. Patience qu'on
s'exprime mal,pourvû qu'on instruise & qu'on amuse:
il n'y a point d'nonnête homme, point d'esprit bien
tourné, qui ne fane grâce à l'écorce & à l'envelope,
lors que le dedans vaut la peine qu'on s'y arrête. C'est
sur ce point capital qu'il y a de dangereux écueils à
éviter. Un Historien, pour s'épargner la peine d'é-
claircir les circonstances,ne propose quesupersicielle-
mentsonsujet; il n'indique ni le tems, ni la cause,
B 2 ni
 
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