Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
de bourses et le piqueur de dés l'intéressent infiniment.
Jamais il ne se fâche, jamais il ne sermonne, son indulgence
est sans limite. C'est qu'il en a besoin, et le sait. Il est leur
complice. Sa perspicacité, qui l'enchante, dénonce sa propre
candeur. S'il n'avait pas vécu leur vie, s'il n'avait regardé
leurs innocentes fêtes que du dehors, il noterait avec plus
d'attention et de volupté discrète le jeu rare des tons dans
une atmosphère frôlante, il serait plus peintre qu'il ne l'est
mais sans doute aussi moins vivant. Toutes les classes, tous
les milieux ont à ce moment-là leurs peintres, ou plutôt dans
tous les milieux, dans toutes les classes naissent des peintres
qui ne cessent pas de leur appartenir, n'ont aucune envie
de s'en évader et meurent après avoir accompli leur fonction
comme le banquier à son comptoir, le cordonnier dans son
échoppe, le boucher à son étal, le meunier dans son moulin
et le pêcheur dans son bateau. Ainsi la Hollande même, ses
villages et leurs forains, le pavé de ses villes, leurs bouges,
leurs boutiques, leurs hospices, leurs intérieurs bourgeois,
leurs entrepôts, le va-et-vient de ses canaux et de ses rades,
les maisons louches de ses ports, ses solides vertus, ses gros
vices, sa violente et épaisse vie d'effort joyeux dans le com-
merce et la guerre vient à nous tout entière, débordante
d'action, jouisseuse, économe, prodigue, sans qu'un seul
de ses gestes, une seule de ses minutes soient oubliés, dissi-
mulés ou méconnus. S'il n'y avait eu Ruysdaël, et surtout
Rembrandt, ce serait le miroir le moins mystérieux mais aussi
le plus fidèle, que l'homme ait jamais promené sur la face
de ses jours.

VI
Seulement, après Rembrandt, et même avec Ruysdaël,
la peinture de la Hollande a perdu la force conquérante de
la génération issue des fondateurs. Jan Steen n'a plus la
truculence de Frans Hals et de ses élèves, Brauwer, Van

— 68 —
 
Annotationen