Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Blanc, Charles: Introduction
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0010

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
6 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

moment où nous pouvions nous attendre à une invasion de ces bar-
bares qui sont toujours à nos portes, il s'est trouvé, au contraire, que
les millionnaires de la veille, s'improvisant amateurs, se sont passé la
fantaisie d'aimer la peinture, et le luxe de s'y connaître. De là ce
renchérissement extraordinaire de tous les objets d'art, et particu-
lièrement des livres où l'on espérait puiser à la hâte et en secret {'éru-
dition du quart d'heure. De là cet encombrement des salles de ventes
où l'on vient se disputer, à prix d'or, les tableaux de maîtres, les
estampes rares, les bronzes, les ivoires, les émaux, les médailles, et
où nous voyons tous les jours, mêlés à l'arrière-garde de la curiosité,
cent figures nouvelles de jeunes hommes inconnus, ardents encore
comme des novices, et déjà madrés comme des vétérans.

Mais il est d'autres causes à ce prodigieux accroissement du
nombre des curieux : ce sont les expositions universelles de Londres,
de Paris, de Manchester ; c'est la facilité de parcourir le monde, c'est
l'occasion de voir souvent de belles choses et d'être averti de leur
beauté. Tel homme, indifférent jusqu'alors, a senti tout à coup s'éveil-
ler en lui un vague désir d'initiation aux grands mystères de l'art,
lorsque, porté en quelques heures de l'extrémité d'un pays à l'autre,
il s'est trouvé en présence de tant de merveilles accumulées dans ces
palais lumineux où l'univers se montre à l'univers, où l'humanité a
conscience de sa grandeur, où l'art se fait illustre, comme dit Mon-
taigne, par tant de visages.

11 faut le dire aussi, le journalisme a bien contribué pour sa large
part au recrutement des amateurs. Autrefois la critique était légère,
inconsistante, étourdie ; elle se contentait de quelques tirades élo-
quentes, se payait volontiers de mots heureux, et n'en imposait pas
moins à l'ignorance du public. Aujourd'hui, elle s'est rangée; elle est
devenue réservée, attentive, studieuse; elle s'est drapée dans l'érudi-
tion ; elle a voulu non-seulement tout savoir mais tout approfondir,
tandis que le lecteur, devenu à son tour plus difficile, demandait
moins de raisonnements vagues et plus de faits certains.

Cette transformation de la critique d'art, parallèle aux progrès de
notre école historique, est due en partie aux influences de l'Allemagne.
A son exemple, nous avons acquis la patience de fouir les biblio-
thèques, de compulser les chartes, de déchiffrer les manuscrits. Tel
journaliste superficiel s'est fait archéologue; tel critique évaporé songe
 
Annotationen