S GAZETTE DES BEAUX7ARTS.
vieille ironie gauloise, si elle est souvent hostile à l'enthousiasme, est
au moins une arme toute prête contre les égarements du goût. Il est
donc surprenant que l'on affecte aujourd'hui de contester à la France
l'incontestable supériorité de sa critique, comme si la nation qui a vu à
l'œuvre tant de fins connaisseurs, les maréchaux de la curiosité, ainsi
que les appelait le duc de Choiseul, les Marolles, les de Piles, les
Gersaint, les Mariette, les Basan, les Regnault Delalande, pouvait avoir
perdu tout à coup cette rare sagacité de jugement qui est le fruit le
plus indigène de son génie. Oui, la littérature française est aujourd'hui
en mesure d'exercer la critique avec plus d'éclat que jamais, puisqu'elle
est à la fois lestée de science et en possession de tous les genres de
style. La science? elle se manifeste plus que jamais dans les diverses
ramifications des arts du dessin. Le style? en aucun temps on ne lui
fit accomplir plus d'évolutions et de tours de force. Ici, c'est un des
rose-croix de la franc-maçonnerie littéraire qui fait du dictionnaire
une palette, écrit en ronde bosse, et , pétrissant les mots comme de
l'argile, prête au langage étonné la réalité plastique des choses; là, au
contraire, c'est un grave académicien qui parle du vrai, du bien et du
beau, dans ce noble style français, originaire de la plus haute latinité
et dont le secret n'est pas encore perdu; style ferme et clair, d'une
élégance mâle et d'une sobre coloration, qui peint les idées comme les
grands maîtres peignaient leurs fresques, avec ampleur, discrétion et
autorité. L'un rédige, de cette plume qui a ciselé plus d'un chef-
d'œuvre , de lumineux rapports sur les monuments historiques cle
l'ancienne France; l'autre, après avoir réédifié ces monuments avec la
passion d'un antiquaire, en parle avec l'érudition élégante d'un archi-
tecte rompu aux délicatesses du style. Ceux-ci, élevés dans les raffine-
ments de la tradition, manient en maîtres un des sceptres de la cri-
tique, dans une revue qui s'est acquis la prépondérance intellectuelle
partout où notre langue est parlée ; celui-là, marchant sur les traces
glorieuses d'Ottfried Muller, restitue les frontons mutilés ou disparus
du Parthénon, tandis qu'un Athénien de Paris inscrit fièrement son
nom sur les marbres de l'Acropole. Il en est qui s'appliquent à ana-
lyser, de la pointe la plus fine, les types et les manières des maîtres
graveurs, ou qui, d'une main émue, dépouillent la correspondance cle
Nicolas Poussin. Il en est qui, inspecteurs honoraires des musées de
l'Europe, les visitent et les décrivent pour une multitude inconnue de
vieille ironie gauloise, si elle est souvent hostile à l'enthousiasme, est
au moins une arme toute prête contre les égarements du goût. Il est
donc surprenant que l'on affecte aujourd'hui de contester à la France
l'incontestable supériorité de sa critique, comme si la nation qui a vu à
l'œuvre tant de fins connaisseurs, les maréchaux de la curiosité, ainsi
que les appelait le duc de Choiseul, les Marolles, les de Piles, les
Gersaint, les Mariette, les Basan, les Regnault Delalande, pouvait avoir
perdu tout à coup cette rare sagacité de jugement qui est le fruit le
plus indigène de son génie. Oui, la littérature française est aujourd'hui
en mesure d'exercer la critique avec plus d'éclat que jamais, puisqu'elle
est à la fois lestée de science et en possession de tous les genres de
style. La science? elle se manifeste plus que jamais dans les diverses
ramifications des arts du dessin. Le style? en aucun temps on ne lui
fit accomplir plus d'évolutions et de tours de force. Ici, c'est un des
rose-croix de la franc-maçonnerie littéraire qui fait du dictionnaire
une palette, écrit en ronde bosse, et , pétrissant les mots comme de
l'argile, prête au langage étonné la réalité plastique des choses; là, au
contraire, c'est un grave académicien qui parle du vrai, du bien et du
beau, dans ce noble style français, originaire de la plus haute latinité
et dont le secret n'est pas encore perdu; style ferme et clair, d'une
élégance mâle et d'une sobre coloration, qui peint les idées comme les
grands maîtres peignaient leurs fresques, avec ampleur, discrétion et
autorité. L'un rédige, de cette plume qui a ciselé plus d'un chef-
d'œuvre , de lumineux rapports sur les monuments historiques cle
l'ancienne France; l'autre, après avoir réédifié ces monuments avec la
passion d'un antiquaire, en parle avec l'érudition élégante d'un archi-
tecte rompu aux délicatesses du style. Ceux-ci, élevés dans les raffine-
ments de la tradition, manient en maîtres un des sceptres de la cri-
tique, dans une revue qui s'est acquis la prépondérance intellectuelle
partout où notre langue est parlée ; celui-là, marchant sur les traces
glorieuses d'Ottfried Muller, restitue les frontons mutilés ou disparus
du Parthénon, tandis qu'un Athénien de Paris inscrit fièrement son
nom sur les marbres de l'Acropole. Il en est qui s'appliquent à ana-
lyser, de la pointe la plus fine, les types et les manières des maîtres
graveurs, ou qui, d'une main émue, dépouillent la correspondance cle
Nicolas Poussin. Il en est qui, inspecteurs honoraires des musées de
l'Europe, les visitent et les décrivent pour une multitude inconnue de