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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 1
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Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel: A M. le rédacteur en chef de la Gazette des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0035

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS. 31

près comme tout ie monde, et que M. Soufflot allât inspecter ses travaux
en habit de satin bleu céladon, poudré à blanc et l'épée au côté, ce qui
devait être incommode pour monter aux échelles; aussi n'y montait-il pas.
Mais j'adjure nos frères les romanciers, auteurs dramatiques ou poètes,
de nous peindre au xixe siècle tels que nous sommes, et de cesser de nous
faire dans le monde une réputation que nous ne méritons pas, d'autant
qu'en vérité les types qu'ils ont si bien imaginés, pour les besoins du
roman ou du théâtre, sont usés. Il n'y a plus que quelques rapins éche-
velés, aspirants incompris aux expositions, qui s'efforcent de ressembler à
ces types, l'effroi des portiers.

A travers les siècles, s'il est une classe d'hommes qui n'ait pas varié, ce
sont certainement les artistes. Les mœurs se modifient, les institutions
changent, les lois se succèdent, se remplacent, se détruisent, les pas-
sions ou les goûts de la foule sont aussi mobiles que le sable de la mer.
Les artistes, eux seuls, restent toujours les mêmes ; ils sont aujourd'hui
ce qu'ils étaient à Athènes, à Rome, à Byzance, ce qu'ils furent pendant le
moyen âge et pendant le xvie siècle. Pourquoi ? C'est que Fart est lui-
même invariable comme la passion, comme le bien et le mal en ce bas
inonde. Certaines époques ont été assez favorisées du ciel pour comprendre
les arts et par conséquent les artistes ; il s'est trouvé des sociétés qui cher-
chaient leurs jouissances les plus vives dans l'amour des arts. Pourquoi
ne verrions-nous pas renaître ces sociétés ? Y a-t-il un danger dans l'apti-
tude d'une civilisation pour les arts ?

Les artistes (car il faut dire ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas), les
artistes n'ont jamais fait de révolution, ils se contentent de les regarder
passer avec indifférence comme tant d'autres choses : ils ne demandent
que cette liberté individuelle qui ne gêne personne; les artistes n'ont réel-
lement qu'une seule croyance, ils croient à l'art ; un artiste ne peut être
fanatique pour toute autre chose que pour le beau, et le beau exclut cette
passion aveugle qu'on appelle fanatisme. L'amour du beau est tolérant,
car l'artiste bien doué sait découvrir le beau partout; il sait (qu'on me
passe la comparaison) l'extraire toujours de la gangue souvent grossière
qui l'enveloppe; c'est là sa joie intime, son privilège, son secret. L'artiste
est laborieux, il doit l'être, et n'a jamais mené cette vie échevelée que
lui prêtent les romanciers. Il n'est nulle part plus heureux que dans son
atelier ou son cabinet ; il regarde en homme distrait les misères de la vie,
mais pour peu qu'il ait de la cervelle, il veut assurer son indépendance,
et pour cela il n'est pas si mauvais calculateur qu'on pourrait le croire.
Beaucoup d'artistes célèbres ont été soigneux de leur fortune, et si quel-
ques-uns vivaient en grands seigneurs, c'était en grands seigneurs
 
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