DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Monti, Raffaele: Correspondance particulière de la Gazette des Beaux-Arts
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0050
CORRESPONDANCE PARTICULIÉR E
DE LA GAZETTE DES BEAUX—ARTS
C'est M. Raffaele Monti, statuaire éminent, en qui le talent de la sculp-
ture est héréditaire, qui a bien voulu accepter d'être notre correspondant
à Londres. Ceux qui connaissent les ouvrages de l'artiste milanais, ou qui,
dans un court voyage en Angleterre, ont seulement vu ses admirables
bustes au Cristal-Palace de Sydenham, seront assurés d'avance de la
justesse de ses appréciations et de sa compétence.
Londres, le 10 décembre 1853.
M 0 N S IE U R ,
Vous me priez de vous tenir au courant du progrès des beaux-arts en Angleterre :
je vous remercie de cette gracieuse invitation, que j'accepte de grand cœur; et je vous
demande la permission d'y répondre, avant tout, par quelques remarques rétrospec-
tives sur les conditions de ce progrès, et par une revue rapide des circonstances qui
ont concouru à son développement.
C'est à peine si l'on peut dire que l'Angleterre, avant le siècle où nous sommes,
était initiée à la vie de l'art, et cela s'est trouvé tenir à des causes diverses, à la nature
même du génie anglais d'abord, génie singulier, qu'attirent les extrêmes et qui, lorsqu'il
n'est point trop positif et trop roide, se laisse emporter dans les plus nuageux domaines
delà fantaisie et pousse jusqu'aux derniers confins d'une poésie visionnaire. Être1 trop
esclave de la réalité ou en être trop dédaigneux, c'est n'être pas dans les vraies régions
de Fart. Le défaut absolu de flexibilité empêche d'atteindre à l'idéal, et. d'autre part,
l'effet naturel d'une élasticité que rien ne limite, est de donner à l'idéal les proportions
fantastiques du rêve. Aussi voyez quels sont les genres où se manifeste avec le plus
d'éclat la puissance artistique du génie anglais : c'est l'architecture, parce qu'ici l'uti-
lité d'application est évidente; c'est le portrait, parce qu'ici l'importance du relatif el
DE LA GAZETTE DES BEAUX—ARTS
C'est M. Raffaele Monti, statuaire éminent, en qui le talent de la sculp-
ture est héréditaire, qui a bien voulu accepter d'être notre correspondant
à Londres. Ceux qui connaissent les ouvrages de l'artiste milanais, ou qui,
dans un court voyage en Angleterre, ont seulement vu ses admirables
bustes au Cristal-Palace de Sydenham, seront assurés d'avance de la
justesse de ses appréciations et de sa compétence.
Londres, le 10 décembre 1853.
M 0 N S IE U R ,
Vous me priez de vous tenir au courant du progrès des beaux-arts en Angleterre :
je vous remercie de cette gracieuse invitation, que j'accepte de grand cœur; et je vous
demande la permission d'y répondre, avant tout, par quelques remarques rétrospec-
tives sur les conditions de ce progrès, et par une revue rapide des circonstances qui
ont concouru à son développement.
C'est à peine si l'on peut dire que l'Angleterre, avant le siècle où nous sommes,
était initiée à la vie de l'art, et cela s'est trouvé tenir à des causes diverses, à la nature
même du génie anglais d'abord, génie singulier, qu'attirent les extrêmes et qui, lorsqu'il
n'est point trop positif et trop roide, se laisse emporter dans les plus nuageux domaines
delà fantaisie et pousse jusqu'aux derniers confins d'une poésie visionnaire. Être1 trop
esclave de la réalité ou en être trop dédaigneux, c'est n'être pas dans les vraies régions
de Fart. Le défaut absolu de flexibilité empêche d'atteindre à l'idéal, et. d'autre part,
l'effet naturel d'une élasticité que rien ne limite, est de donner à l'idéal les proportions
fantastiques du rêve. Aussi voyez quels sont les genres où se manifeste avec le plus
d'éclat la puissance artistique du génie anglais : c'est l'architecture, parce qu'ici l'uti-
lité d'application est évidente; c'est le portrait, parce qu'ici l'importance du relatif el