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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 2
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Monti, Raffaele: Correspondance particulière de la Gazette des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0123

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(i VZETTE DES BEAUX-ARTS. 119

pas à propos de lui donner, pour celle fois, la clef dos champs. Hélas 1 le temps était
si beau, l'air si pur, le feuillage si vert! Le pauvre Thomas n'y peu! tenir. Son démon
était là, qui lui disait de façonner un billet de congé imitant l'écriture paternelle et de
le présenter en brave au crédule maître d'école. La chose fut faite, elle réussit, et voila
l'enfant qui s'élance comme un daim parmi les bosquets. Vous jugez s'il travailla d'un
cœur vaillant, et s'il se fit scrupule de mordre au fruit défendu ! Mais le soir est venu;
il faut rentrer au logis. Après avoir rassemblé ses esquisses, et donné un regard d'adieu,
regard de regret, à ses modèles aimés, le petit Gainsborough regagne pensif et fatigué

la demeure de son père, qui..... savait tout. Inutile de dire qu'il accueillit le coupable

avec toute l'horreur qu'un probe négociant doit au crime de faux. «Malheureux! »
cria-t-il au pauvre Tom d'une voix terrible, « un jour tu seras pendu! » La mère
intervint, Elle avait, pour être plus indulgente envers un fils dont elle connaissait le
penchant favori, un double motif: outre qu'elle était sa mère, elle peignait des fleurs,
et à ravir. Apercevant le portefeuille, elle l'ouvre. 0 merveille! Des chênes majestueux,
des groupes d'arbres fantastiques, des ruisseaux miroitants, que sais-je? un ensemble
de circonstances atténuantes à désarmer l'inexorable Minos. Tout Anglais et tout fabri-
cant de crêpes qu'il était, le père se sentit vaincu, et attirant l'enfant dans ses bras, il
modifia en ces termes sa première prédiction, — ce fut la bonne : — « Tom, un jour,
tu seras un grand peintre. »

Voila pour le paysagiste; voici pour le peintre de portraits. Un jour qu'il se trouvait
dans son verger tout occupé à copier des arbres — il avait alors quinze ans — survient
un jeune drôle qui, ne l'apercevant pas, se présente pour faire visite à un certain poi-
rier de connaissance. Pendant que notre vaurien guette l'occasion et étudie le modus
operandi, Gainsborough le croque en flagrant délit, et avec une vérité si foudroyante,
que, plus tard, à la vue de cette pièce de conviction, le petit voleur fut forcé de con-
fesser son délit.

Environ cinq ans après, il était en train de peindre la campagne ouverte toute
grande devant lui, lorsque soudain au groupe d'arbres et de brebis qu'il copiait se vint
oindre une vision ravissante. C'était une belle jeune fille. Le paysagiste la fixe aussitôt
sur sa toile; le peintre de portraits obtient qu'on lui donne quelques séances, et fait de
la jeune fille un portrait délicieux; mais bientôt devenu amoureux de son modèle, il
épouse la jolie miss Burr, avec laquelle il alla compléter ses études à Ipswich.

Comme je n'entends pas vous envoyer une biographie de Gainsborough, je m'arrête
ici. Quel que fût son penchant naturel à reproduire les scènes rustiques, son aptitude à
recevoir vivement l'impression de tous les objets extérieurs et le sentiment du beau qui
était en lui, le disposaient merveilleusement à être un peintre de portraits. Celui qu'il
a fait de miss Graham donne une idée complète de son talent en ce genre. On y re-
marque un rare mélange de simplicité et de noblesse dans la manière de poser le mo-
dèle, de le vêtir, et une intelligence singulière de tout ce qui forme les traits saillants
d'une physionomie individuelle, de tout ce qui en fait le caractère, quand elle est
originale, de tout ce qui en fait le charme, quand elle est aimable.

H A F F A E L E M 0 N T I.
 
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