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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

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Nr. 4
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Baschet, Armand: Chronique vénitienne du passé, [2]: les femmes blondes
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https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0242

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

239

doit y apporter tant d'art, de fatigue et de temps, qu'il y a vraiment lieu de s'en éton-
ner. Elle forme une longue tresse dont elle fait un énorme chignon, qu'elle ne laisse pas
que de surcharger encore d'une foule d'ornements qui font un couronnement à sa haute
fraise et à sa collerette, si immense que souvent elle dépasse sa tête. Cette dimension
extraordinaire nuit à l'arrangement du châle qu'elle porte sur ses épaules et qui, vu
de dos, produit l'effet le plus disgracieux. Ces collerettes ont une forme bizarre, mais
elles sont brodées à grands frais : le châle, étant en soie noire et transparente, ne
les cache pas. Nos dames ont aussi la coutume d'orner leurs vêtements de rubans de soie
noire en forme de rosettes, qui laissent voir la couleur de l'étoffe et sa qualité, car ils
sont aussi transparents que légers. Les nouvelles mariées ont introduit cette mode. »

Nous ne saurions trop recommander aux peintres actuels que leur
talent et leur goût portent à représenter les scènes variées du xvie siècle,
l'étude du livre de Vecellio dont M. Firmin Didot prépare une édition
en fac-similé. Les citations que nous avons données sont la meilleure
preuve des nombreux renseignements qu'on peut y puiser. Sans ce livre,
je n'aurais pu traiter qu'imparfaitement l'histoire un peu frivole, sans
doute, mais pourtant curieuse, des coiffures à la Solana. Tel était, en
effet, le nom technique de cette mode, qui transformait si singulière-
ment dans les cheveux des patriciennes l'œuvre de la nature. Plus tard,
ce fut pire encore : avec l'avènement des perruques, le blanc remplaça le
blond, la poudre à poudrer détrôna à ce point l'eau à blondir, qu'oubliée
d'abord, elle finit par devenir inconnue. Adieu alors à ces nuances mer-
veilleuses des chevelures flavescentes et peau de lion qui avaient inspiré
Véronèse et Giorgione. La Solana disparut; et au sujet des coiffures des pa-
triciennes de Venise, comme de celles des marquises et duchesses de Ver-
sailles, alors que la grâce infinie de Marie-Antoinette faisait loi et régentait
les cheveux de toutes les femmes de l'Europe, on pourrait dire avec les
jeunes auteurs d'un charmant et sérieux livre récemment apparu : « La
tête des élégantes était une mappemonde , une prairie, un combat naval.
Elles allaient d'imaginations en imaginations et d'extravagances en extra-
vagances, du porc-èpic au berceau d'amour, du pouf à la puce au casque
anglais, du chien couchant à la cire as sienne, des baigneuses à la frivolité
au bonnet à la candeur, de la queue en flambeau d'amour à la corne
d'abondance 4.

L'art seul, en touchant à ces, extravagances, a le privilège de les trans-
former et de les embellir; lui seul sait rendre charmant en un pastel de la
Rosalba, comme sur une toile du Véronèse, ce qui nous fait sourire dans
les pamphlets de la mode.

ARMAND BASCHET.

1. Histoire de Marie-Antoinette, par Edmond et Jules de (Concourt. Deuxième
édition.
 
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