Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 1.1859

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Emiliani-Giudici, Paolo: Correspondance particulière de la Gazette des Beaux-Arts
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16986#0245

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
2/i2 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

d'autrui, qu'ils n'étaient plus aptes à tirer au vol, c'est-à-dire à créer des œuvres
originales, la première habitude s'étanf substituée à leur nature. On s'évertuait à copier
tant de statues! Ne valait-il pas mieux travailler d'après la nature vivante et produire
d'abord de mauvais originaux pour en produire ensuite de meilleurs, que de copier
les autres pour ne faire ni bien ni mal, et rester ainsi dans la médiocrité, qui est la
mort de l'art ?

Voulez-vous prendre l'empreinte de la vérité, disait Bartolini, improntare il vero,
marquez résolument vos plans et dessinez carré plutôt que rond, parce que des plans
résulte le relief, et que les plans ne résultent pas du rond. En sculpture, il s'agit des
reliefs; il faut donc prendre garde aux profils, mais ne pas perdre son temps à polir,
au lieu d'étudier la forme en son exactitude. — Malheur aux artistes qui adoptent une
manière spéciale d'opérer : par exemple, d'exprimer les cheveux ou de modeler une
tête : le vrai n'a pas de manière, et pour l'imiter, il n'y a pas d'autre procédé que de
faire ce qu'on voit, et comme on le voit; de sorte que quand le travail est fini, on ne
sache plus de quelle manière on a opéré : tout mécanisme d'exécution est né du baro-
çhisme ( c'est-à-dire du maniérisme introduit par le Baroche).

La composition, disait-il, doit être neuve et claire, sans trahir l'unité de l'invention,
et rappelez-vous que les anciens maîtres, pour plus de clarté, représentaient souvent
deux ou trois sujets dans le but d'en faire comprendre un seul. Tant que vous n'aurez
pas amené la composition au point de ne pouvoir y ajouter ou en retrancher une
figure, elle ne sera pas parfaite, et il faut s'appliquer à ne pas sacrifier la pensée à
l'arrangement des lignes, mais plutôt subordonner les lignes à la pensée. — Enfin,
Bartolini ne cessait de répéter que le sens du beau idéal est en nous-mêmes et qu'il nous
fait démêler le vrai relativement au sujet voulu, et choisir une action plutôt que l'autre,
parce que le même modèle peut être beau dans une action, et, dans une autre, insigni-
fiant ou laid.

Vous conviendrez avec moi, mon cher monsieur, que ces principes que je me suis
efforcé d'exprimer à peu près comme les formulait le maître, sont tellement solides
qu'ils ne peuvent pas ne pas conduire un élève dans la bonne voie. Lorsqu'à la mort
du professeur Ricci, Bartolini fut appelé à l'enseignement de la sculpture dans notre
Académie, il se sentit si fort de ses principes qu'il rompit brusquement avec les erre-
ments de l'école, et obligé de lutter corps à corps avec les vieux systèmes, il devint
tellement irritable que souvent il dépassa le but. Un jour, devant indiquer aux élèves
un sujet de concours, il proposa celui-ci : Ésope méditant ses fables. Quoi! dans
ces mêmes salles où jusqu'alors on n'avait vu paraître qu'Apollon, Vénus et le
Laocoom comme les modèles du beau dans ses limites infranchissables, prendre pour
thème une figure de bossu! Ce fut une rumeur universelle; les rivaux de Bartolini
triomphaient, affectant de le croire presque fou, et ils n'eurent pas de peine à soulever
une tempête contre lui dans les journaux; mais lui qui écrivait avec un style plein do
verve, de chaleur et de relief, il se défendit si vigoureusement qu'il réduisit tout le
monde au silence.

Du reste, comment aurait-il vu fructifier ses principes, s'ils n'avaient été pratiqués et
fécondés par la pratique même? Toute doctrine a besoin d'apôtres, et, sous ce rapport,
Bartolini fut plus heureux qu'il ne l'avait espéré. Vers le même temps, un jeune homme
natif de Sienne se présenta à l'Académie avec un modèle en terre, pour être admis
à l'exposition publique. La figure représentait Abel mort. Les professeurs refusaient
de l'admettre, croyant que c'était un simple moulage sur nature, et par conséquent un
 
Annotationen