Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3.1859)

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le \\ m" siècle, qui méprisèrent toutes les œuvres des époques primitives,
regardées alors comme barbares. Martin Schôngauer tomba dans un si
profond oubli, que ses tableaux se perdirent ou furent confondus avec
ceux d'autres artistes. Ses estampes, si recherchées de nos jours, furent
dès lors si peu estimées, qu'à la vente de Mariette, 187 de ses pièces, y
compris quelques gravures deBocholt et d'Israël de Mecken, se vendirent
en un seul lot, pour le prix dérisoire de 399 livres 19 deniers, que dépas-
serait de nos jours une seule des estampes de ce célèbre graveur. Au-
jourd'hui, que le goût pour les maîtres primitifs est revenu, les plus
riches galeries de l'Europe sont hères de posséder un tableau du beau
Martin ; mais trop souvent on lui attribue des toiles qui ne sont point de
lui, et sans autre fondement que le désir cle mettre un nom illustre sur des
peintures d'artistes anonymes.

La date certaine de la naissance de Schôngauer n'est point connue,
mais on peut la placer vers 1/Ï20, si l'on s'en rapporte à la date d'un
tableau conservé dans le musée de Sienne, et qui représente l'artiste jeune
encore : on lit auprès d'un écusson portant un croissant cle gueules sur
champ d'or, une inscription ainsi conçue : IIIPSH MARTIN SCIIONGAVER
MALER, l/i53 ; c'est-à-dire le beau Martin Schôngauer} peintre x. Le
lieu où il vint au monde n'est pas mieux déterminé que la date de sa
naissance. L'armoriai de Weigel (t. II, pl. 153), d'accord avec une note
trouvée derrière un second portrait de Schôngauer ( dont nous aurons à
parler plus loin), nous fait connaître que sa famille, sinon lui-même, était
originaire d' Augsbourg , et appartenait à la grande bourgeoisie de cette
ville. Largkmair, qui fut son élève, le dit natif de Colmar2, et enfin les
registres cle la bourgeoisie cl'Ulm le mentionnent dès 1M1, comme un
peintre qui, tantôt sous le nom de Schôngauer, tantôt sous celui de Schôn,

\. Une Description de Sienne, imprimée en l7oi, sous le titre de Brève Relazionë délie
cose notabili délia città di Siena, mentionne ce tableau dans les termes suivants : « Portrait
de Hipsch Martin Schôngauer, un des premiers inventeurs de la gravure sur cuivre,
né en 1453, mort en 1486, peint par Albert Dlirer son élève. » Il est aisé de voir que
Fauteur de cette notice répète les assertions de Sandrart relativement à la mort de Schôn-
gauer ; qu'il prend pour datedesa naissance, celle qui indique, selon l'usage du temps,
l'année où le tableau fut peint, et qu'il attribue enfin son portrait à Albert Durer, suivant
en cela la coutume italienne, qui donne à ce maître tous les tableaux venus d'Allemagne.

La môme notice nous apprend que cette peinture faisait alors partie de la collection
Spannocchi, formée presque en totalité par le général Enea Silvio Piccolomini, lors du sac
de Mantoue.

2. Les archives de Colmar ne parlent point de sa naissance, et ne disent point s'il
fut inscrit parmi les bourgeois do cette ville, ainsi que deux de ses frères dont il est
fait mention dans les registres de cette classe.