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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3.1859

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Nr. 3
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Jacquemart, Albert: Une aiguière italienne: en argent repoussé
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https://doi.org/10.11588/diglit.16988#0183

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UNE AIGUIÈRE ITALIENNE

EN ARGENT REPOUSSÉ

Dès les premiers jours de la Renaissance, à l'heure où l'art rajeuni
sortit de son long sommeil, toutes les industries qui façonnent l'or, la
pierre ou l'ivoire, se réveillèrent à la fois. A côté des révélateurs de l'idée
nouvelle, groupe mystérieux formé surtout de trois individualités puis-
santes, Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange, c'est-à-dire la grâce, la
divinité, la force; à côté de ces géants, toute une phalange d'apôtres
ardents contribuait à disperser la doctrine, à répandre le goût en le for-
çant à pénétrer dans tous les rangs de la société par son application aux
choses usuelles, dès lors ennoblies; élevées par l'art au-dessus du niveau
vulgaire.

En effet, pour les maîtres de cette glorieuse école du xvie siècle, nulle
des manifestations de la pensée ne pouvait être indifférente, pourvu qu'elle
revêtît la forme du beau. Qu'importe à leurs yeux qu'on ciselle le marbre ou
le métal, qu'on pétrisse l'argile ou la cire, qu'on formule des statues ou
des bijoux, qu'on couvre les murs des édifices ou la surface des vases :
fresquiste, sculpteur, orfèvre, potier, tailleur de pierres ou de bois, quoi
que l'on soit, quelque titre qu'on se donne, si l'on a reçu l'étincelle du
génie, ils vous reconnaissent pour être de leur famille.

Et ceci n'est point une supposition ; en énonçant ce fait, nous ne cé-
dons point au désir de critiquer les tendances étroites cle notre temps, et
la vaniteuse prétention d'une classification bizarre qui, séparant les artistes
en deux camps, les patriciens et les plébéiens, reconnaît les titres des
uns et des autres non pas au mérite, mais à la nature de leur travail.

A la Renaissance, aucune de ces pauvretés n'afflige l'esprit. Raphaël
abandonnait volontiers ses méditations sublimes pour songer aux progrès
de la céramique, et sa main crayonnait les esquisses destinées aux faïen-
ceries de Pesaro et d'Urbin. Michel-Ange, fatigué des lenteurs de la
fresque et de la résistance du marbre, employait ses loisirs à tordre l'ivoire
dans les dernières souffrances du Christ.
 
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