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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
On nous écrit de Bordeaux :
La Société philomatique de Bordeaux vient déterminer son exposition. L'art n'a pas
été appelé à concourir à cette solennité tout industrielle; mais il faut rendre cette justice
à la Société philomatique que ce n'est ni par oubli ni par dédain.Pendant assez longtemps
elle seule paraissait n'avoir pas oublié qu'il existât des artistes; elle comprenait l'in-
fluence qu'ils pouvaient exercer sur les produits de ceux qui s'étaient voués à l'indus-
trie, et les conviait à ses expositions. Depuis la formation de la Société des Amis des
Arts, elle a laissé à cette dernière le monopole des expositions de peinture et de
sculpture, et s'est réservé les produits purement industriels.
Mais, bien que laissée en dehors des invitations officielles, l'influence de l'art s'est
manifestée dans l'enceinte du banquet, comme ces parfums dont l'odeur reste dans un
coffret longtemps après qu'ils en ont été retirés. Les tapis de MM. Laroque, les sculp-
tures sur bois de M. Lagnier, les meubles de nos ébénistes, les porcelaines de M. Vieil-
lard, les peintures sur verre de M. Villiers, de M. Lieuzère témoignaient que cette
influence a été efficace dans notre localité sur ces branches d'industrie, et montraient
ce que l'on sera en droit d'espérer, quand on comprendra la nécessité de donner un
plus large développement aux études artistiques. Cela viendra sans doute : plusieurs
en parlent; quelques-uns le désirent; mais il faut une volonté convaincue et énergique
pour agir, et la pression des idées n'est pas encore assez forte pour la faire surgir et
marcher en avant. Tout est encore chez nous à l'état d'embryon : nous avons une col-
lection de tableaux, et pas de local pour en faire un Musée, une école de dessin et de
peinture qui ne compte encore qu'un professeur et qui est logée provisoirement dans
une prise faite à l'orangerie du jardin de la mairie. Mais on nous promet un palais
pour nos tableaux, une école complète comme celle de nos grandes villes de province :
nous aurons tout cela, car il y a longtemps que l'administration, que quelques membres
surtout de l'administration municipale le désirent et y poussent, mais il faut de la
patience. Le besoin d'apprendre se manifeste partout. 7 à 800 jeunes ouvriers vont
étudier aux classes d'adultes de la Société philomatique, 150 remplissent les classes de
l'école de dessin; beaucoup d'autres attendent. A toutes ces jeunes âmes qui rêvent
d'élever le niveau de leur industrie en cultivant leur intelligence, il faudra bien une
école plus complète... et quand les richesses artistiques que possède la ville seront
accrues de telle sorte, qu'elles déborderont des salles que la charité municipale leur
a prêtées, il faudra bien un Musée. Nous marchons à ce résultat; l'administration
réveillée depuis une dizaine d'années, a fait des acquisitions importantes soit en
tableaux modernes, soit en tableaux anciens; nous en parlerons quelque jour en pas-
sant en revue les principaux morceaux de notre Galerie. Dernièrement encore, elle
achetait à Léon Gogniet, dont nous possédons déjà le chef-d'œuvre, deux charmantes
petites toiles intitulées le Départ et le Retour.
Ces deux toiles, pleines de poésie, de couleur et d'animation, ne sont pas restées
à notre xMusée. L'administration municipale les a offertes à l'Empereur, qui a bien voulu
les accepter1.
Si la ville s'est ainsi séparée gracieusement de ces deux morceaux, elle en a été
bientôt dédommagée, car il y a peu de jours elle recevait toute une collection de livres
d'art, tant imprimés que dessinés, pour sa bibliothèque publique, trois tableaux pour
1. On a pu voir chez la plupart des marchands d'estampes les photographies du Départ et du
Retour.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
On nous écrit de Bordeaux :
La Société philomatique de Bordeaux vient déterminer son exposition. L'art n'a pas
été appelé à concourir à cette solennité tout industrielle; mais il faut rendre cette justice
à la Société philomatique que ce n'est ni par oubli ni par dédain.Pendant assez longtemps
elle seule paraissait n'avoir pas oublié qu'il existât des artistes; elle comprenait l'in-
fluence qu'ils pouvaient exercer sur les produits de ceux qui s'étaient voués à l'indus-
trie, et les conviait à ses expositions. Depuis la formation de la Société des Amis des
Arts, elle a laissé à cette dernière le monopole des expositions de peinture et de
sculpture, et s'est réservé les produits purement industriels.
Mais, bien que laissée en dehors des invitations officielles, l'influence de l'art s'est
manifestée dans l'enceinte du banquet, comme ces parfums dont l'odeur reste dans un
coffret longtemps après qu'ils en ont été retirés. Les tapis de MM. Laroque, les sculp-
tures sur bois de M. Lagnier, les meubles de nos ébénistes, les porcelaines de M. Vieil-
lard, les peintures sur verre de M. Villiers, de M. Lieuzère témoignaient que cette
influence a été efficace dans notre localité sur ces branches d'industrie, et montraient
ce que l'on sera en droit d'espérer, quand on comprendra la nécessité de donner un
plus large développement aux études artistiques. Cela viendra sans doute : plusieurs
en parlent; quelques-uns le désirent; mais il faut une volonté convaincue et énergique
pour agir, et la pression des idées n'est pas encore assez forte pour la faire surgir et
marcher en avant. Tout est encore chez nous à l'état d'embryon : nous avons une col-
lection de tableaux, et pas de local pour en faire un Musée, une école de dessin et de
peinture qui ne compte encore qu'un professeur et qui est logée provisoirement dans
une prise faite à l'orangerie du jardin de la mairie. Mais on nous promet un palais
pour nos tableaux, une école complète comme celle de nos grandes villes de province :
nous aurons tout cela, car il y a longtemps que l'administration, que quelques membres
surtout de l'administration municipale le désirent et y poussent, mais il faut de la
patience. Le besoin d'apprendre se manifeste partout. 7 à 800 jeunes ouvriers vont
étudier aux classes d'adultes de la Société philomatique, 150 remplissent les classes de
l'école de dessin; beaucoup d'autres attendent. A toutes ces jeunes âmes qui rêvent
d'élever le niveau de leur industrie en cultivant leur intelligence, il faudra bien une
école plus complète... et quand les richesses artistiques que possède la ville seront
accrues de telle sorte, qu'elles déborderont des salles que la charité municipale leur
a prêtées, il faudra bien un Musée. Nous marchons à ce résultat; l'administration
réveillée depuis une dizaine d'années, a fait des acquisitions importantes soit en
tableaux modernes, soit en tableaux anciens; nous en parlerons quelque jour en pas-
sant en revue les principaux morceaux de notre Galerie. Dernièrement encore, elle
achetait à Léon Gogniet, dont nous possédons déjà le chef-d'œuvre, deux charmantes
petites toiles intitulées le Départ et le Retour.
Ces deux toiles, pleines de poésie, de couleur et d'animation, ne sont pas restées
à notre xMusée. L'administration municipale les a offertes à l'Empereur, qui a bien voulu
les accepter1.
Si la ville s'est ainsi séparée gracieusement de ces deux morceaux, elle en a été
bientôt dédommagée, car il y a peu de jours elle recevait toute une collection de livres
d'art, tant imprimés que dessinés, pour sa bibliothèque publique, trois tableaux pour
1. On a pu voir chez la plupart des marchands d'estampes les photographies du Départ et du
Retour.