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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 3
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Mouvement des arts et de la curiosité
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0204

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192

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

effet, d'offrir aux curieux une réunion mieux choisie de tableaux modernes. Presque
tous nos maîtres y sont dignement représentés, ceux-là même qui, comme M. Ingres,
n'v peuvent être admirés que sur de simples dessins. En parcourant sans fatigue ce
salon sans médiocrité, cette exhibition sans tache, le visiteur se reporte involontaire-
ment, par la pensée, à ces écrasantes expositions où les belles choses sont si tristement
novées et confondues dans un déluge d'essais malheureux, d'ouvrages indignes du jour,
et de scandales pittoresques. Ici, les yeux: ne rencontrent que des œuvres d'élite en
tout genre; les tableaux étant tous excellents, sont par cela même en petit nombre, et
bien que le spectateur ait de quoi varier ses émotions et ses plaisirs en passant du
Saint Sympfwrien d'Ingres à VHamlet de Delacroix, d'un paysage biblique de Decamps
à une scène intime de Meissonier, il peut cependant sortir de cette galerie temporaire
sans courbature, sans torticolis et sans dégoùl.

Mais nous ne voulons pas anticiper, ici, sur les belles pages que notre nouveau col-
laborateur, M. Théophile Gautier, va consacrer à ces maîtres qu'il a de si longue date
et si bien appréciés, et dont il saura peindre les tableaux aux yeux du lecteur, aussi fidè-
lement que le feront le graveur ou le photographe.

— Les amateurs vont en ce moment visiter la galerie de M. Goupil, dans la maison
de la rue Chaptal, pour y voir un grand portrait en pied de Rachel, que M. Gérôme
vient de terminer. Le peintre a plutôt voulu représenter la tragédie que la tragédienne,
c'est-à-dire une muse plutôt qu'une femme. Enveloppée d'une draperie pourpre, aux
plis fins et nombreux, elle s'appuie sur un piédestal, sombre, rêveuse, affaissée, et comme
vaincue par la lassitude de ses tragiques fureurs; ses bras puissants, mais nerveux et
légèrement amaigris aux attaches, tombent abandonnés et soutenant à peine le glaive.
Une colonne ionique, tronquée par le bas, porte une peti e figure de Furie, en terre
cuite. A cette colonne est fixée une tablette qui porte les noms des grands rôles de
Rachel: Phèdre, Hermione, Camille, Monime, Roxane, Pauline. Pas d'autre accessoire
qu'un masque et un trépied. Le fond représente un péristyle du dorique grec, du sévère
et superbe dorique sans base. Considérée dans son entier , la figure est posée et
drapée d'un grand goût; elle est peinte avec beaucoup de facilité, de sûreté et de
souplesse. Mais la tète rappelle trop les teintes maladives de Rachel dans ses dernières
années, son masque diminué, son œil cave, ses pommettes saillantes. C'est à la fois
trop de ressemblance, et trop peu. La Rachel que chacun de nous a connue et applaudie,
n'est pas une Rachel intime, celle qui a pu être familièrement aimée; c'est la Rachel de
Racine et de Corneille, celle qui, transfigurée par le génie antique, nous apparaissait
comme une héroïne de Sophocle ou d'Euripide, et semblait revêtir une beauté idéale
dans sa physionomie individuelle. M. Gérôme, en consultant sans doute des impressions,
trop récentes ou des photographies faites à l'heure suprême, ou quelque sinistre mou-
lage, n'a pas suffisamment effacé les altérations par lesquelles s'annonce la mort.
C'était le cas, peut-être, de s'en rapporter à la mémoire qui, en ne conservant que
les lignes simples et caractéristiques, idéalise d'elle-même les figures qui furent dignes
d'y laisser un grand souvenir.

Le rédacteur en chef : CHARLES BLANC.

Le directeur - gérant : EDOUARD HOUSSAYE.

PARIS. — IMPRIMERIE DE 1. CEAÏE , RXE S AINT-BEN OÎI, 7.
 
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