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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 4
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Gautier, Théophile: Exposition de tableaux modernes au profit de la caisse de secours des artistes peintres, statuaires, architectes, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0206

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\9h GAZETTE DES BEAUX-ART S.

et moelleuse tapisserie. A la dernière Exposition, au palais de l'Industrie,
un effet tout contraire se produisait. La dominante du ton était grise et
neutre, l'aspect général pauvre ; malgré les qualités de beaucoup d'œuvres,
qualités que nous nous sommes plu à reconnaître, la vue n'éprouvait pas
cette jouissance physique que doit procurer la peinture faite dans ses
vraies conditions. Les pâles couleurs d'une sagesse morbide attristaient
plus d'un jeune talent. Le soleil et l'ombre se fondaient en un vague cré-
puscule ; les tons francs semblaient des brutalités, et dans cette gamme
affaiblie le rose représentait le rouge, le paille le jaune, le bleu de ciel le
bleu foncé, le vert prasin le vert émeraude, le gris le noir, et ainsi de
suite. Il eu résultait de l'harmonie, sans doute, mais une harmonie fade
obtenue par le sacrifice de toutes les couleurs vierges et de toutes les
vigueurs.

Les toiles de l'Exposition de tableaux modernes appartiennent, pour
la plupart, aux peintres qui essayèrent, comme les poètes de 1830, de
ranimer la palette froide de l'école française : Bonnington, Delacroix,
Decamps, Jules Dupré, Théodore Rousseau, Boulanger, Isabey, Robert
Fleury, Camille Roqtieplan, Diaz, Riesener; — ils firent pour la couleur
ce que les écrivains romantiques avaient fait pour le langage. Leurs pein-
tures, que dore déjà pour la plupart la patine du temps, ont pris une
puissance et une richesse singulières. Les anciennes audaces, qualifiées
d'abord d'extravagances, se comprennent aujourd'hui et charment le
public étonné.

De toutes les parties dont se compose le coloris, une des plus négli-
gées maintenant est le clair-obscur, ce moyen magique dont Gorrége,
Rembrandt et Prudhon tirèrent de si merveilleux effets. Cette réflexion
nous venait en regardant le Lion amoureux, de Camille Roqueplan, cette
peinture charmante d'un peintre charmant, beaucoup plus sérieux qu'on
ne pense dans sa grâce légère. Cette composition, tout le monde la con-
naît, et la gravure sur bois qui forme l'en-tête de cet article en reproduit
les lignes. Ce pauvre Lion, crédule et confiant comme la force, livre ses
griffés aux ciseaux de la coquette qu'il aime, comme Samson livra le
secret de sa chevelure à Daliia. Les femmes prennent un étrange plaisir
à énerver les lions,les Hercules et les génies, pour les abandonner ensuite,
avec un froid sourire de mépris, aux insultes des Philistins^ aux lazzis des
sots et aux morsures des chiens. Comme elles triomphent alors de voir
le géant tourner la meule, les yeux crevés, et le lion mordu aux jambes
par les roquets ! Mais les cheveux et les griffes repoussent, et la vengeance
vient.

La figure de la femme est de grandeur naturelle ; — l'artiste se res-
 
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