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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 4
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Gautier, Théophile: Exposition de tableaux modernes au profit de la caisse de secours des artistes peintres, statuaires, architectes, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0207

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS. 195

treignait d'ordinaire à de plus petites dimensions, et ce morceau dans
son œuvre a le mérite de la rareté. C'est une belle blonde, le torse nu, et
couverte à partir des hanches d'un large pan de velours. Elle est éclai-
rée par des jours frisants qui argentent l'or de ses cheveux et satinent les
saillies de ses formes. Le masque, le cou, le dessous des seins, le ventre,
sont noyés dans les transparences ambrées d'une lumière de reflet, et ne
font pas lanterne, comme on dit en termes d'atelier; c'est bien un jour
renvoyé qui frappe un corps solide et mat et l'illumine de toutes les ma-
gies du clair-obscur. Le type de la femme, avec sa chevelure blonde, ses
joues fraîches, ses chairs rondes, grasses et souples, rappellent la nature
flamande, mais élégantisée et rendue française par cette coquetterie
et cet agrément de pinceau que Roqueplan savait répandre sur tout.
Le lion est aussi fauve que pouvait le faire ce peintre aimable, surtout
dans cette circonstance où le roi du désert, venu à la ville, dépose sa
férocité avec ses ongles d'airain aux genoux d'une Dalila, sans doute,
parisienne.

Elle ne répond pas beaucoup à son titre, la Madeleine aa désert', mais
on a de tout temps concédé cette licence aux peintres de représenter la
belle repentie avant que les austérités aient détruit ses charmes mon-
dains. Libre aux Espagnols de nous la faire voir émaciée jusqu'aux os, la
poitrine creuse, les joues ravinées de larmes, les genoux ankylosés par la
persistance de la prière, couvrant à peine sa nudité d'un lambeau de spar-
terie, une tète de mort riant de ses dents jaunes pour vis-à-vis, dans
quelque antre horrible, in foraminibus petrœ, in caverna macèrîœ. C'est
une façon d'entendre le sujet plus catholique, sans cloute, mais nous ad-
mettons très-bien la Madeleine de Roqueplan, une charmante jeune
femme venue à résipiscence, depuis la veille seulement. — Si elle a pleuré
ses péchés, ce n'est qu'une perle de pluie sur une rose; sa jupe de ve-
lours noir ne s'est pas éraillée aux ronces de la Sainte Baume, et le man-
teau pourpre qui lui couvre les épaules a des plis de cachemire. La Bible
qu'elle lit avec autant d'attention que la Madeleine de Corrége, son livre
ouvert sur l'herbe, a l'air de l'intéresser comme un roman. Elle ne vient
pas de bien loin, la jolie pécheresse, et peut-être l'avons-nous connue, il
y a quelque vingt ans, lorsque nous étions jeune. Mais qu'importe; les
lumières de son corps sont si argentées, les reflets accusent dans la trans-
parence de l'ombre des formes si séduisantes, les draperies sont d'une
valeur si intense et si riche, le fond du paysage est si spirituellement
indiqué et ses tons d'une chaleur sourde s'harmonisent si bien avec la
figure, que le tableau brille comme un bouquet ou comme un écrin. Le
Lion amoureux porte la date de 1836, et la Madeleine au désert celle
 
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