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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 4
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Blanc, Charles: Pensées modernes sur l'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0219

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS. 207

une fière tendresse. Rien de plus rare que ces créatures qui sont nées
sous la double invocation de Vénus et de Mercure. On en rencontre beau-
coup qui sont des femmes mal réussies ou des hommes manques : celles-là
réunissent les défauts de l'un et l'autre sexe; elles présentent le con-
traste affligeant d'une rudesse sans énergie et d'une faiblesse sans grâce ;
elles n'ont ni la beauté qui séduit, ni la raison qui commande. Mais il naît
quelquefois, à de très-longs intervalles, des femmes viriles en qui se
fondent les facultés féminines et les qualités mâles. Madame de Staël fut
un de ces êtres privilégiés. La fermeté de l'esprit ne l'empêcha pas d'a-
voir une âme de feu. Aussi trouva-t-elle dans les régions de la pensée
tout ce que peut trouver un philosophe échauffé, éclairé par la passion.
Je ne parle pas de la forme : comment ne serait-elle pas heureuse, lors -
qu'elle est logique et sentie; quand le bon sens la rend claire, et que
l'émotion la mouvementé et la colore? Eh bien, ce phénomène qu'a pré-
senté madame de Staël dans notre littérature, il se renouvelle aujourd'hui
dans l'écrivain que le pseudonyme de Daniel Stern ne cache plus à per-
sonne. Un style nerveux et libre, une certaine fierté de race, des idées
germaniques dans un moule français, les sentiments d'une femme qui est
restée un juge impartial entre les deux sexes, voilà ce qui la caractérise
dans son nouveau livre aussi bien que dans ses autres ouvrages. Mais la
plus grande partie de ce livre roule sur des matières qui sont étrangères
à ce recueil. La vie morale, la religion, la politique, ne sont point de
notre ressort, ou du moins nous ne les regardons que par le côté artiste,
c'est-à-dire dans leurs rapports, quand elles en ont, avec la beauté. On
dira, si l'on veut, que nous nous sommes fait en ce monde la meilleure
part : l'étude et la contemplation de la grâce.

Le neuvième chapitre du livre de Daniel Stern est consacré aux arts et
aux lettres. Les pensées en sont remarquables, ingénieuses ; la plupart
sont justes, il en est de profondes ; toutes sont marquées à l'empreinte de
l'esprit moderne, et dans le nombre il y en a qu'on peut dire neuves,
parce qu'elles sont encore inédites. Celles qui ont déjà vu le jour sont
rajeunies par la dignité de l'expression, par un tour vif, quelquefois su-
perbe. Voici quelques traits sur l'art moderne :

« La tendance presque exclusivement critique de l'esprit moderne
l'éloigné de plus en plus de cette, harmonie dans les institutions et dans
les mœurs au sein de laquelle fleurissent les arts. L'esprit de critique,
d'analyse ou de division, ce qui est tout un, détruit clans les âmes le sen-
timent de la perpétuité, en dehors duquel le génie plastique ne peut
prendre son plein essor. 11 faut qu'un peuple n'ait aucun doute sur la

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