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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 15.1863

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Blanc, Charles: Vélasquez à Madrid
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https://doi.org/10.11588/diglit.17334#0071

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VÉLASQUEZ A MADRID

u mois de septembre dernier, nous allions en Es-
pagne, M. Paul de Saint-Victor et moi, pour y
voir le seul grand musée de l’Europe que nous
n’eussions pas encore vu, le Musée de Madrid. A
vrai dire, c’était Vélasquez qui nous attirait là
presque à lui seul, car les autres peintres espa-
gnols nous étaient suffisamment connus. On peut s’en faire une juste
idée sans entreprendre le voyage ; mais Vélasquez, nous le pensions du
moins, ne pouvait être jugé que chez lui.

A peine a-t-on quitté les provinces basques et mis le pied sur le sol
de la Vieille-Castille, que l’on se sent dans la contrée qu’habitent les
modèles de Vélasquez. Le paysage est nu, brûlé et désert comme celui
qui fait le fond de presque tous ses tableaux. L’arbuste y est une rareté ;
l’homme y est une exception. Quelques masures apparaissent de temps à
autre, devant lesquelles on ne voit personne et qui semblent augmenter
encore la solitude de ces provinces. Il faut aimer la peinture d’un amour
robuste pour faire en un tel pays dix-huit lieues de route dans une dili-
gence qui bondit sur des chemins affreux. Il est vrai qu’on y est emporté
par douze mules, ivres de vitesse, pourchassées par trois ou quatre pos-
tillons, ivres de fureur, qui courent à pied aussi vite qu’elles, en les acca-
blant de coups, de cris, d’exhortations, de caresses et d’injures. Ainsi
cahotés à plusieurs reprises entre deux tronçons de chemin de fer, nous
arrivâmes à Madrid excédés de fatigue, dévorés de poussière, moulus,
fourbus et courbatus... Une heure après, cependant, nous étions au
Musée.

La joie que nous éprouvions de toucher au terme de nos désirs était
légèrement troublée,chez moi,par un sentiment secret d’inquiétude. Ayant
écrit dans Y Histoire des Peintres la vie de Vélasquez, je craignais de ne
l’avoir pas apprécié à sa valeur, j’avais bien vu, avant de composer sa

XV.

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