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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 2
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Blanc, Charles: Eugène Delacroix, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0135

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

du tableau ! Delacroix serait impuissant lui-même à s’interpréter par
l’eau-forte ou par le burin; aussi avait-il une répulsion invincible pour
toute gravure d’après lui. Ses dessins même les mieux réussis, car il
avait quelquefois des veines heureuses, Hercule qui étouffe Antée, par
exemple, ou la Montée du Calvaire (premier projet pour la chapelle de
Saint-Sulpice), malgré leur chaleur, leur entrain et la distinction exquise
de certaines figures, ne sont, dans leur triste monochromie, que de vains
fantômes.

11 faut rendre cette justice aux différents ministres qui sous le règne
de Louis-Philippe eurent les Beaux-Arts dans leurs attributions, à M. Thiers,
notamment, que jamais Delacroix ne manqua de travaux. Non-seulement
on ne cessa de lui confier la décoration des édifices publies, le Salon du
roi, les hémicycles et les coupoles du Palais-Bourbon, la coupole de la
Bibliothèque au palais du Luxembourg, mais encore on lui demanda de
grands tableaux pour les églises de Paris et pour le musée de Versailles
où resplendit un de ses chefs-d’œuvre, Y Entrée des Croisés à Constanti-
nople. Grâce à la sollicitude intelligente d’un gouvernement qui a tant
de fois reçu et si souvent mérité la qualification de bourgeois, l’artiste le
moins fait pour plaire à la bourgeoisie (dans le sens qu’on attachait à ce
mot) ne resta pas un seul moment inactif, ayant toujours eu des tableaux
à peindre et des murailles à couvrir.

Toutes les fois qu’il avait mis la dernière main à un grand travail, il lui
prenait fantaisie de se reposer par un voyage; la tentation lui venait sur-
tout d’aller voir enfin l’Italie, d’aller regarder en face, chez eux, dans
leur sanctuaire, in ædibus valicanis, ce Michel-Ange, ce Raphaël dont il
avait parlé en homme de l’art, et sur lesquels il avait écrit dans la Revue
des Beux Mondes deux articles, d’ailleurs peu remarquables pour lui. Un
jour de septembre, il rencontra le directeur des Beaux-Arts, M. Gavé, et il
lui dit : « J’ai une forte démangeaison de faire le voyage d’Italie et d’y
rester un hiver. Voulez-vous m’acheter mon Trajan? » C’était le grand
tableau dont nous avons parlé et qui avait eu au Salon un succès d’éclat.
Le directeur des Beaux-Arts, pensant qu’une toile de cette importance
valait au moins vingt mille francs, répondit à Delacroix : « J’en suis désolé,
mais notre budget est à peu près épuisé ; à peine nous reste-t-il quatre
mille francs sur l’exercice de l’année? — Quatre mille francs? c’est juste-
ment ce que j’allais vous demander. —Gomment! dit M. Cavé, vous
donneriez le Trajan pour quatre mille francs? mais s’il en est ainsi, votre
tableau est acheté : vous pouvez partir. » Le lendemain, l’affaire fut régu-
larisée. Cependant Delacroix eut une nouvelle hésitation ; l’Italie le troublait
d’avance, lui faisait peur. Il lui semblait que toutes ses qualités allaient
 
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