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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 22.1867

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Nr. 1
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Galichon, Émile: Des dessins de maîtres: à propos d'un prétendu portrait de Philippe le Bon attribué à Simon Marmion
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https://doi.org/10.11588/diglit.19883#0082

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DESSINS DE MAITRES.

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de fixer les lignes d’un de ces paysages élyséens que son imagination
sereine lui faisait entrevoir.

Eh bien! ces jouissances que nous envions, l’amateur de dessins peut
se les donner chaque jour lorsque, tranquillement assis dans un large
fauteuil, auprès d’un bon feu, il se plaît à feuilleter un de ses cartons
pleins de projets superbes dont la réalisation a valu à leurs auteurs une
gloire éternelle. Pour lui, toutes les portes des ateliers sont ouvertes;
il considère curieusement Léonard s’ingéniant à trouver l’emploi d’une
chute d’eau sur la même feuille où ce maître.a esquissé la Sainte Anne
du Louvre; il suit d’un œil attentif Raphaël cherchant le geste du Christ
couronnant la Vierge; pour cette œuvre il voit le maître faisant poser
deux condisciples, deux jeunes adolescents en justaucorps serrés et en
chausses collantes. S’il interroge ces griffonnements, —chiffons de
papier sans valeur pour le public, reliques vénérables pour qui sait les
apprécier, — il entend Raphaël lui expliquer comment tel croquis de
berger jouant de la viole deviendra l’Apollon du Parnasse; comment
telle étude de jeune mère entourant de soins son enfant se transformera
en une vierge divine. Pour l’amateur érudit, les maîtres n’ont point de
secrets; il sait que Lra Eartolomeo, frappé d’étonnement à la vue du
David de Michel-Ange, en a retracé la silhouette; que Raphaël a voulu
s’approprier le Saint Georges de Donatello; que Rubens a emporté de
Rome le souvenir esquissé des prophètes de Michel-Ange, et que Rem-
brandt lui-même, — ce génie si indépendant, — a étudié la Calomnie
d’Appelle de Mantegna.

Ces pages intimes, —véritables autographes écrits par des hommes
de génie dans des moments d’effusion,— ont été de tous temps recher-
chées avec passion par les collectionneurs les plus illustres. Au beau temps
des Jabach, des Crozat et des Mariette, ces croquis, pleins de feu, étaient
estimés à l’égal des compositions achevées, et souvent moins expres-
sives. La Lrance était alors la nation la plus riche en dessins de grands
maîtres; mais tout a bien changé depuis, et de nos jours on compte trop
aisément les rares amateurs qui consentent à mettre des enchères élevées
sur une pensée de Raphaël, de Léonard ou de Rembrandt. Peut-être
faut-il chercher la cause de ce discrédit dans la vie active qui dévore
sans relâche tous nos instants et nous laisse peu de loisirs pour appré-
cier les beautés de dessins qui ne présentent fréquemment que des
lignes confuses, indéchiffrables, à qui n'a pas le goût formé.

Occupés que nous sommes de reports, de dossiers et de devis, nous
n’avons guère le temps d’étudier, et de là notre amour souvent excessif
pour les arts décoratifs, qui charment nos yeux sans occuper notre
 
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