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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 22.1867

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Nr. 4
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Thoré, Théophile: Salons de T. Thoré à Béranger
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https://doi.org/10.11588/diglit.19883#0417

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SALONS DE T. THORÉ


A BÉRANGER.

otre nom, monsieur, représente mieux qu’aucun
autre le sens direct de notre tradition nationale
dans les lettres et dans les arts. Vous êtes de la
grande famille française de Rabelais, de Molière et
de La Fontaine. Tandis que la poésie du xixe siècle
s’aventurait dans des routes obscures et étran-
gères, vous, monsieur, au lieu d’être cosmopolite par la forme du style,
vous vous êtes contenté d’être humain par le fond même du sentiment
et de la pensée. C’est une synthèse qui vaut bien l’autre. C’est la qua-
lité des artistes immortels; car ils se continuent ainsi dans l’âme de
l’humanité dont ils ont réfléchi quelque vertu permanente. Au con-
traire, l’art qui s’attache imprudemment à la forme seule passe de
mode et se renouvelle sans cesse, quel que soit le charme du style
extérieur.

L’art des vrais grands maîtres dissimule naturellement les procédés
de l’exécution; il vous frappe par un caractère plus essentiel et plus pro-
fond que l’enveloppe plastique. Telle est la sculpture grecque de la belle
époque, quoique l’art antique, en général, puisse être accusé de sensua-
lisme relativement à l’art chrétien. La Minerve du Parthénon était sortie
vivante et chaste du cerveau de Phidias, suivant le symbole mytholo-
gique. En contemplant la Vénus de Milo, vous avez d’abord un sentiment
qui précède l’analyse de sa beauté. Tel est encore l’art de Raphaël, où
l’habileté n’est considérable qu’après l’invention. Tel est Molière, supé-
rieur peut-être à tous les grands hommes de toutes les littératures par le
naturel et la simplicité de son style. Le beau style' est comme une flèche
dont on sent la piqûre sans avoir vu le trait dans l’air. Ainsi, le génie de 4

4. La Librairie internationale publie, avec une préface de M. W. Biirger, les anciens
Salons de T. Thoré, écrits avec tant de verve et de franchise. Nos lecteurs seront
certainement curieux de relire ce qu’un critique autorisé écrivait sur les arts il y a
vingt ans, en plein mouvement de romantisme. A l’appui de notre dire, nous dé-
tachons de ce volume, en cours d’impression, cette lettre à Béranger qui servait d’in-
troduction au Salon de 4 845.
 
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