Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 22.1867

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Á Monsieur Émile Galichon
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19883#0097

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
92

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

précision merveilleuse. 11 a dit en quelques traits la souplesse du feutre,
le buffle du justaucorps et les gants en peau de daim, le haut-de-
chausses en velours, la fatigue des bottes à genouillère, les reliefs, les
retroussis et les moindres rides du cuir, et l’étoile des éperons. Tout
cela est senti, voulu, exprimé de la façon la plus fine, la plus sûre,
mais avec un certain air de négligé qui est le chef-d’œuvre de la coquet-
terie et du délicat.

Dès que je vis ce petit croquis, savoureux et piquant, je fus saisi d’une
irrésistible démangeaison de le graver à l’eau-forte. Ce fut comme un
prurit sous-cutané qui me picota la main, et je me dis alors : que n’ai-je
la pointe subtile d’un Jacque ou d’un Flameng, le crayon d’acier de
Jacquemart et son œil de lapidaire, les fioles de Lalanne et son outillage
rembranesque! la jolie eau-forte que je pourrais faire!... Par malheur,
je ne suis qu’un simple dilettante, et encore si je n’étais que cela, on me
pardonnerait mes péchés, comme on les pardonne à ceux qui, une fois
par exception, peuvent s’excuser en disant : « ce n’est pas mon état. »
Mais avoir embrassé la profession de critique, et mettre la main à la
pâte : quelle imprudence ! exercer le métier de pédant, et s’exposer à se
faire donner sur les doigts par ceux-là qu'on s’est permis de morigéner :
quelle étourderie !

Ainsi disais-je, et cependant, comme on n’écoute jamais les sages
conseils, surtout quand on est soi-même le conseiller, j’achète un petit
cuivre dans l’unique intention de vous adresser une carte de visite au
jour de l’an, et j’essaye de dessiner sur le vernis notre élégant gentil-
homme;... mais de pareils croquis, on ne les connaît bien qu’à l’user. Ce
qui était fin paraît alors superfin ; ce qui était délicat devient exquis. Tel
trait de plume, que l’on croyait échappé, trahit une malice du dessina-
teur; tel griffonnement, que l’on prenait pour un pur badinage, est un
moyen de jeter le soupçon d’un nuage d’ombre sur la lumière du papier;
tel accent, qui semblait une tache involontaire, formule un plan imper-
ceptible, indique un fuyant, sous-entend un pli. On s’aperçoit qu’à tout
moment la plume a changé d’allure, suivant qu’elle touchait au mat ou
au luisant, à la frange de la ceinture ou aux épaisseurs de l’étoffe, au
poil du chapeau ou à l’empois amolli de la collerette, et l’on désespère
d’atteindre à cette finesse désespérante.

Je vous le dis sincèrement, mon cher ami, que vos lecteurs n’aillent
pas juger du croquis par l’eau-forte, de l’original par la traduction. Et
vous-même, je vous en prie, n’allez pas y voir; votre regard exercé
découvrirait dans la gravure des fautes qui sont très-menues et en même
temps très-grosses. Sur toute chose, n’en dites rien à Meissonier, et
 
Annotationen