Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 22.1867

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Goncourt, Edmond de; Goncourt, Jules de: La Tour, 2
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19883#0370

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA TOUR.

351

jouent de tranquilles lumières et que ramènent au ton général de petits
badinages de jaune pur dans le bleuâtre des demi-teintes. Un admi-
rable dessin de demi-sourire cache la bonté aux deux coins de la
bouche. La pâte du pastel, arrêtée à l’ombre qui n’est pour ainsi dire
qu’un glacis de crayon, donne à toute la tête la transparence de la
chair. Le pastelliste a fait des merveilles d’adresse et d’exécution dans
cette robe agrémentée, comme les aimait la femme de Louis XV, tout
enjolivée de fanfreluches, de passequilles, de pompons, entremêlée,
entrelacée de chenille, de cordonnet, de milanaise, d’or, de dentelle frisée,
que piquent, de distance en distance, des touffes de cette passementerie
qu’on appelait, je crois, soucis cle hanneton L Pourtantce portrait même de
Marie Leckzinska, si achevé, si complet, n’est pas au Louvre l’œuvre la
plus remarquable de La Tour. 11 y a de lui un meilleur morceau, bien
supérieur au grand portrait de madame de Pompadour, quoiqu’il n’en ait
ni l’importance ni la célébrité : c’est le portrait de la dauphine de Saxe
jouant avec la monture d’un éventail renversé, — un coquet mouvement
qu’affectionne le portraitiste et qu’il a déjà donné à Marie Leckzinska. Le
travail du portrait de la reine est un peu froid, un peu sage : ici, dans la
dauphine, quelle liberté s’ajoutant à la finesse du faire! Qu’on se figure
une vraie chair d’Allemande, une admirable lumière bleue des yeux, un
teint éblouissant que vergettent de santé de petites hachures rouges, la
pommette des joues avivée dans leur doux vermillon avec deux ou trois
égrenures de carmin, des tremblotements de crayon friable sur le fond
du pastel, des jeux de crayon d’une autre couleur qui tournent et jouent
dans le sens des muscles, brisant, diversifiant la teinte générale, lui
donnant la coloration rompue et nuancée de la chair ; là-dessus, un der-
nier travail presque imperceptible de hachures de craie, étendant comme
la trame cl’un blanc laiteux sur toutes ces teintes assemblées; et çà et là
dans le portrait, des miracles de dessin, de touche, d’éclairage, le reflet
de dessous le menton, les pâleurs de la gorge où trois petits crayonnages
d’azur semblent mettre le bleu de veinules; et cette main! cette main
délicate, de l’indéfinissable rose pâle d’une main de femme à demi éclairée,
avec son coup de jour nacré et ces touches de lumière qui jouent sur le
satiné de la peau et le perlé des ongles... Mais tous les mots peignent
mal un tel portrait : il faut le voir, allez en respirer le charme devant le
pastel même.

t. Cette tête de Marie Leckzinska semble devenir l’effigie consacrée de la Reine. Les
Mémoires de Luynes nous apprennent qu’en mai '1747 il y avait dans les apparte-
ments de Versailles une exposition d’un grand portrait de la reine par Vanloo qui
avait copié la figure sur le pastel de La Tour.
 
Annotationen