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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 22.1867

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Nr. 5
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Clément, Charles: Géricault, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.19883#0508

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GÉRICAULT.

h 83

surpassant celui qui l’a précédé, apportant un fait, un point de vue nou-
veau, une découverte, dévoilant à son tour quelqu’un des mystères de
l’univers physique. 11 n’en est pas ainsi dans le domaine de. l’imagination.
Toutes les idées et toutes les formes, toutes les combinaisons pittores-
ques ont été essayées. L’homme a fait depuis longtemps le tour des
choses de l’esprit. A cet égard la civilisation est accomplie, et comme
elle ne disparaîtra pas dans quelque cataclysme de barbarie, il ne se
trouvera plus de ces artistes de génie qui découvraient, au détour d’un
siècle, une contrée inconnue, un horizon nouveau, une face jusqu’alors
ignorée de l’humaine vérité. Ceux-là étaient bien vraiment des maîtres,
des inventeurs et des promoteurs. Depuis quelques siècles déjà nous
assistons à un tout autre spectacle. Le monde n’est pas fini pour cela.
Nous avons eu dans notre époque moderne, et nous aurons encore de
grands poètes et de grands peintres capables de grouper autour d’eux,
pendant un temps plus ou moins long, des élèves et des disciples qui
apporteront une nuance, quelque interprétation nouvelle, qui donneront
une certaine impulsion et le ton; mais c’est tout. Depuis la Renaissance
l’esprit humain s’est émancipé. 11 échappe de plus en plus à la contrainte
étroite de l’exemple, à l’influence dominante du temps et du lieu. Chacun
puise avec liberté dans la tradition, ce trésor d’expériences qu’ont amassé
les siècles, et revêt d’une forme savante une pensée, un sentiment
personnel. De sorte que désormais on verra de grands artistes originaux
et isolés qui se rattacheront, suivant la nature de leur talent, à des doc-
trines déjà représentées dans le passé, plutôt que de grands chefs d’école.
Et c’est à mon sens un honneur pour notre pays et pour notre temps
d’avoir produit des génies aussi puissants et aussi divers que les David,
les Prud’hon, les Géricault. Ils portent sans doute l’empreinte de la
société dans laquelle ils ont vécu; ils appartiennent à une race et à une
époque déterminées, et on le voit. Mais ils se sont moins soumis qu’ils
ne l’eussent fait dans un autre âge à la loi fatale, et je ne saurais recon-
naître un signe de décadence dans ce caractère d’originalité, de vérité
individuelle dont leurs ouvrages portent une marque si frappante.

CHARLES CLÉMENT.
 
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