GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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C’est malheureusement peu de chose. Il a été trouvé dans une énorme
masse de rebuts, de débris, provenant de la Galerie Fesch. Lors de la
vente de cette galerie il, fit partie d’un lot vendu à vil prix *. Dégradé,
couvert de repeints, il laissait apercevoir çà et là quelques beautés qui
décelèrent son origine, et, malgré ses taches et ses souillures, quelques
hommes éclairés proclamèrent qu’une œuvre de Michel-Ange était enfouie
sous ces repoussantes apparences. Mais personne n’osait courir les risques
d’une acquisition qui pouvait ne rien produire, et pour laquelle un prix
considérable était demandé.
M. Boxall seul a eu l’intuition, la révélation du trésor enfoui : il a
regardé comme un devoir de la rendre au jour, il a eu le courage
d’affronter le blâme qu’un manque de succès lui eût apporté. Le nettoyage
et la restauration de ce panneau feront désormais sa gloire : car ce tra-
vail est un chef-d’œuvre de soin, de patience, d’habileté et surtout de
respect du maître. Le directeur de la Galerie nationale s’est acquis par
là des droits à la reconnaissance de tous les amis de l’art.
Par un hasard singulier, au moment où cette précieuse acquisition
était faite, M. P>oxall trouvait dans les magasins de la Galerie nationale
un tableau peint à l’huile appartenant à l’Académie royale de Londres, et
représentant la célèbre Léda de Micliel-Ange. C’était un barbouillage
odieux du dernier siècle; un accident heureux fit découvrir sous la pein-
ture à l’huile une ancienne détrempe. M. Boxall s’empressa de faire
enlever la couche moderne, et bientôt un admirable tableau fut rendu au
jour.
Peint a tempera, altéré en plusieurs endroits, il est entièrement con-
forme à ce que Mariette décrit. C’est bien la Léda qu’il a vue, que
Desnoyers voulut faire détruire, et qui fut emportée mutilée en Angle-
terre. Les parties conservées sont d’une merveilleuse beauté; la tête par
exemple présente une grâce trop féminine pour être de la main de
Michel-Ange : on est tenté de penser à l’exécution de Daniel de Volterra
d’après le dessin et sous la direction du maître. Malheureusement
l’énergie sans voiles, et la passion exprimées dans ce tableau, ne per-
mettent pas de l’exposer en public -. 1 2
1. A la mort du cardinal Fesch il devint la propriété du prince de Musignano, et
tut vendu en 1845 à un marchand de tableaux, nommé Vito Enei, qui le revendit dans
la même année à M. Macpherson. Celui-ci l’offrit l’an dernier à la Galerie nationale qui
Ta acquis au mois d’août, pour la somme de 2,000 livres sterling (50 mille francs).
(Note fournie par M. Boxall.)
2. L’Académie royale do Londres possède aussi le carton de la Léda. Ce carton,
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C’est malheureusement peu de chose. Il a été trouvé dans une énorme
masse de rebuts, de débris, provenant de la Galerie Fesch. Lors de la
vente de cette galerie il, fit partie d’un lot vendu à vil prix *. Dégradé,
couvert de repeints, il laissait apercevoir çà et là quelques beautés qui
décelèrent son origine, et, malgré ses taches et ses souillures, quelques
hommes éclairés proclamèrent qu’une œuvre de Michel-Ange était enfouie
sous ces repoussantes apparences. Mais personne n’osait courir les risques
d’une acquisition qui pouvait ne rien produire, et pour laquelle un prix
considérable était demandé.
M. Boxall seul a eu l’intuition, la révélation du trésor enfoui : il a
regardé comme un devoir de la rendre au jour, il a eu le courage
d’affronter le blâme qu’un manque de succès lui eût apporté. Le nettoyage
et la restauration de ce panneau feront désormais sa gloire : car ce tra-
vail est un chef-d’œuvre de soin, de patience, d’habileté et surtout de
respect du maître. Le directeur de la Galerie nationale s’est acquis par
là des droits à la reconnaissance de tous les amis de l’art.
Par un hasard singulier, au moment où cette précieuse acquisition
était faite, M. P>oxall trouvait dans les magasins de la Galerie nationale
un tableau peint à l’huile appartenant à l’Académie royale de Londres, et
représentant la célèbre Léda de Micliel-Ange. C’était un barbouillage
odieux du dernier siècle; un accident heureux fit découvrir sous la pein-
ture à l’huile une ancienne détrempe. M. Boxall s’empressa de faire
enlever la couche moderne, et bientôt un admirable tableau fut rendu au
jour.
Peint a tempera, altéré en plusieurs endroits, il est entièrement con-
forme à ce que Mariette décrit. C’est bien la Léda qu’il a vue, que
Desnoyers voulut faire détruire, et qui fut emportée mutilée en Angle-
terre. Les parties conservées sont d’une merveilleuse beauté; la tête par
exemple présente une grâce trop féminine pour être de la main de
Michel-Ange : on est tenté de penser à l’exécution de Daniel de Volterra
d’après le dessin et sous la direction du maître. Malheureusement
l’énergie sans voiles, et la passion exprimées dans ce tableau, ne per-
mettent pas de l’exposer en public -. 1 2
1. A la mort du cardinal Fesch il devint la propriété du prince de Musignano, et
tut vendu en 1845 à un marchand de tableaux, nommé Vito Enei, qui le revendit dans
la même année à M. Macpherson. Celui-ci l’offrit l’an dernier à la Galerie nationale qui
Ta acquis au mois d’août, pour la somme de 2,000 livres sterling (50 mille francs).
(Note fournie par M. Boxall.)
2. L’Académie royale do Londres possède aussi le carton de la Léda. Ce carton,