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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 1.1869

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Nr. 3
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Michiels, Alfred: Génie de Rubens, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21404#0251

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236

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ainsi qu’il a représenté saint François cl’Assise en extase devant le Sau-
veur crucifié, qui lui apparaît. Au bois funèbre pend la victime expia-
toire , morte, lugubre, inondée de sang ; un flot coule de sa blessure la-
térale. Agenouillé, renversé fortement en arrière, les deux bras étendus,
le fanatique est admirable d’expression. L’horreur, la pitié, l’enthou-
siasme religieux, une vénération profonde, brillent dans son regard et
dramatisent son attitude *. Un autre Saint François du même artiste
brûle de la même passion pour le Rédempteur. La Vierge lui présente le
petit Jésus, qui touche naïvement sa barbe et l’examine dans les yeux.
Par quel regard de piété profonde le digne solitaire exprime son ravisse-
ment! La lumière, qui émane des divins personnages, illumine sa figure
et va éclairer, au-dessus de lui, un groupe d’anges et de chérubins 2.
Nous citerons encore, pour faire preuve d’une impartialité absolue, un
tableau du musée de Vienne, où Marie, tenant sur ses genoux le cadavre
de son fils, lui retire une épine de la tête : la pauvre femme est noyée
dans un océan d’amour et de désolation 3.

Comme les sots trouvent naturellement des idées absurdes, les
hommes de génie en trouvent d’admirables sans effort. Rubens arrivait
quelquefois à la profondeur du premier coup et, pour ainsi dire, par
instinct. Les rapides ébauches dont il orna les arcs de triomphe dressés
sur le passage du prince Ferdinand, lors de son entrée solennelle à
Anvers, nous en offrent un exemple remarquable. Un de ces monuments
éphémères, gravés par Van Thulden, montrait aux spectateurs la Guerre
s’élançant hors du temple de Janus. Les yeux bandés, le visage rempli
de fureur, elle porte dans sa main droite un large glaive à deux tran-
chants et tient de la gauche une torche allumée. Par son attitude et sa
fougue inexprimable, elle semble menacer tout l’univers. Près d’elle, la
Discorde, la tête hérissée de serpents, et Tisiphone, les cheveux épars,
ouvrent avec efforts un des battants de la porte, pour livrer passage à la
terrible déesse : Tisiphone, dans son ardeur, renverse du pied une urne
pleine de sang, qu’elle n’a pas vue. La Paix, l’archiduchesse Isabelle et
la Religion, les muscles tendus, le visage bouleversé par l’inquiétude,
poussent de toutes leurs forces l’autre battant, pour empêcher la Guerre
de se précipiter sur le monde. Mais, du revers de sa main gauche et d’un
seul geste, l’exterminatrice fait reculer les trois puissantes matrones, qui
roidissent en vain leurs jarrets. On frémit devant cette redoutable appa-
rition.

1. Musée de Valenciennes, n° 178.

2. Musée de Lille, n° 124. Gravé par Michel Lasne.

3. Salle 4, n° 13.
 
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