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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de sculpture. Telle est la réponse précise, inévitable, faite depuis long-
temps à ce sujet. La question résolue brièvement de la sorte ne soulève
plus aucune controverse, aucun doute. Le débat est clos. Pourtant rien
n'est moins fondé qu'un semblable jugement et les faits réclament contre
une conclusion aussi rigoureuse.
Et d'abord, quels étaient les termes par lesquels la loi de Mahomet
avait proscrit les ouvrages des sculpteurs et des peintres? Un seul verset
du Koran a trait à cette interdiction. Le voici : « 0 croyants ! le
vin, les jeux de hasard, les statues sont une abomination inventée par
Satan ; abstenez-vous-en, et vous serez heureux. » Le mot arabe ansab
que l'on traduit par statues se disait de ces pierres élevées dans certains
endroits sacrés, autels des idolâtres sur lesquels on versait de l'huile. Ce
n'est donc pas clans le texte du Koran qu'il faut chercher cette défense,
ce n'est pas dans le code écrit du prophète que nous en découvrons l'ori-
gine. Mais Mahomet n'avait pas consigné son code religieux tout entier clans
le livre de révélation divine qu'il laissait au peuple arabe. Les Sahaba , ses
compagnons, avaient précieusement conservé dans leur mémoire les entre-
tiens sacrés de leur maître. Ses paroles vénérées avaient été transmises par
eux aux Tabiins, et, pendant près de deux siècles, ces hadiths, portés
de bouche en bouche comme un écho de sa parole suprême, complétèrent
la loi religieuse des mahométans, loi souvent indécise à son origine
même. On le sait, clans le principe, le Koran n'existait que par fragments;
dicté par le prophète, il s'écrivait à la parole du maître, sur des mor-
ceaux de parchemin, sur des feuilles cle palmier ou sur des pierres plates.
Souvent on l'apprenait par cœur. Mahomet, en répétant ses révélations,
ne se servait pas toujours des mêmes expressions ; de là des variantes
nombreuses qui ne déconcertaient pas le prophète. On lit dans un com-
mentateur du poëme à'Akila : « Omar disait : « J'entendis un jour Hes-
« cham, fils de Hakem, qui récitait la sourate Forkan autrement que je ne le
« faisais. Or, c'était du prophète lui-même que j'avais appris à la lire. »
J'attendis que Hescham eût fini sa prière, et alors le prenant par le
collet de son habit, je le conduisis devant le prophète à qui je dis : « Je
« viens d'entendre cet homme lire la sourate Forkan d'une manière diffé-
« rente de celle suivant laquelle vous m'avez appris à la lire. — Récitez-
la, » dit le prophète à Hescham, et Hescham la récita cle la façon dont je
la lui avais entendu dire en faisant sa prière. « C'est bien ainsi, dit
« Mahomet, qu'elle a été révélée. » Le prophète m'ordonna de la réciter à
mon tour, ce que je fis : « C'est aussi la bonne leçon, me dit Mahomet,
« car le Koran a été révélé suivant sept éditions; récitez-le donc cle la
(t manière que vous préférerez. »
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de sculpture. Telle est la réponse précise, inévitable, faite depuis long-
temps à ce sujet. La question résolue brièvement de la sorte ne soulève
plus aucune controverse, aucun doute. Le débat est clos. Pourtant rien
n'est moins fondé qu'un semblable jugement et les faits réclament contre
une conclusion aussi rigoureuse.
Et d'abord, quels étaient les termes par lesquels la loi de Mahomet
avait proscrit les ouvrages des sculpteurs et des peintres? Un seul verset
du Koran a trait à cette interdiction. Le voici : « 0 croyants ! le
vin, les jeux de hasard, les statues sont une abomination inventée par
Satan ; abstenez-vous-en, et vous serez heureux. » Le mot arabe ansab
que l'on traduit par statues se disait de ces pierres élevées dans certains
endroits sacrés, autels des idolâtres sur lesquels on versait de l'huile. Ce
n'est donc pas clans le texte du Koran qu'il faut chercher cette défense,
ce n'est pas dans le code écrit du prophète que nous en découvrons l'ori-
gine. Mais Mahomet n'avait pas consigné son code religieux tout entier clans
le livre de révélation divine qu'il laissait au peuple arabe. Les Sahaba , ses
compagnons, avaient précieusement conservé dans leur mémoire les entre-
tiens sacrés de leur maître. Ses paroles vénérées avaient été transmises par
eux aux Tabiins, et, pendant près de deux siècles, ces hadiths, portés
de bouche en bouche comme un écho de sa parole suprême, complétèrent
la loi religieuse des mahométans, loi souvent indécise à son origine
même. On le sait, clans le principe, le Koran n'existait que par fragments;
dicté par le prophète, il s'écrivait à la parole du maître, sur des mor-
ceaux de parchemin, sur des feuilles cle palmier ou sur des pierres plates.
Souvent on l'apprenait par cœur. Mahomet, en répétant ses révélations,
ne se servait pas toujours des mêmes expressions ; de là des variantes
nombreuses qui ne déconcertaient pas le prophète. On lit dans un com-
mentateur du poëme à'Akila : « Omar disait : « J'entendis un jour Hes-
« cham, fils de Hakem, qui récitait la sourate Forkan autrement que je ne le
« faisais. Or, c'était du prophète lui-même que j'avais appris à la lire. »
J'attendis que Hescham eût fini sa prière, et alors le prenant par le
collet de son habit, je le conduisis devant le prophète à qui je dis : « Je
« viens d'entendre cet homme lire la sourate Forkan d'une manière diffé-
« rente de celle suivant laquelle vous m'avez appris à la lire. — Récitez-
la, » dit le prophète à Hescham, et Hescham la récita cle la façon dont je
la lui avais entendu dire en faisant sa prière. « C'est bien ainsi, dit
« Mahomet, qu'elle a été révélée. » Le prophète m'ordonna de la réciter à
mon tour, ce que je fis : « C'est aussi la bonne leçon, me dit Mahomet,
« car le Koran a été révélé suivant sept éditions; récitez-le donc cle la
(t manière que vous préférerez. »