UN PAQUET DE LETTRES
e dois la communication des lettres
suivantes à un ami qui depuis trente
ans a entretenu de nombreuses relations
avec la plupart des artistes contempo-
rains. Artiste lui-même, esprit original,
cœur fidèle, personnalité des plus atta-
chantes, la loyauté avec laquelle il a
cédé à des scrupules peut-être exagérés
en abandonnant une haute situation lui
a conquis plus d'amis que son obligeance
ne lui avait procuré de clients : j'ai
nommé M. Alfred Arago. Pendant trente ans Alfred Arago a joué dans
le monde de Paris -— ce monde si difficile, si fantasque et si chan-
geant — un rôle que n'oublieront jamais ceux qui l'ont traversé. Ce
rôle, il ne le recherchait pas ; il le fuyait volontiers et je l'ai souvent vu
s'y dérober avec bonheur; mais enfin lui seul le remplissait, et j'ajoute
était capable de le remplir. 11 faudrait une plume bien exercée et bien
délicate pour l'analyser et le définir. 11 résultait de la combinaison de
deux qualités qui s'excluent généralement: un esprit prompt et souple;
une bienveillance — disons le mot — une bonté, à toute épreuve. Je ne
lui ai jamais vu sacrifier un sentiment même le plus humble à un trait
d'esprit, même le plus brillant. On peut me croire sincère. Mon vieil
ami n'est plus rien et ne reconnaîtra mon panégyrique que par une
plaisanterie. Peu importe; je devais le faire. Mais si l'on songe jamais à
écrire l'histoire de la société française depuis trente ans, le livre sera
incomplet, si au second plan, clans le demi-jour d'illustres intimités, il
ne réserve pas une place à Alfred Arago. J'en ai trop dit, et j'arrive au fait.
Comme tous les gens d'esprit, M. Arago a la manie de la collection.
e dois la communication des lettres
suivantes à un ami qui depuis trente
ans a entretenu de nombreuses relations
avec la plupart des artistes contempo-
rains. Artiste lui-même, esprit original,
cœur fidèle, personnalité des plus atta-
chantes, la loyauté avec laquelle il a
cédé à des scrupules peut-être exagérés
en abandonnant une haute situation lui
a conquis plus d'amis que son obligeance
ne lui avait procuré de clients : j'ai
nommé M. Alfred Arago. Pendant trente ans Alfred Arago a joué dans
le monde de Paris -— ce monde si difficile, si fantasque et si chan-
geant — un rôle que n'oublieront jamais ceux qui l'ont traversé. Ce
rôle, il ne le recherchait pas ; il le fuyait volontiers et je l'ai souvent vu
s'y dérober avec bonheur; mais enfin lui seul le remplissait, et j'ajoute
était capable de le remplir. 11 faudrait une plume bien exercée et bien
délicate pour l'analyser et le définir. 11 résultait de la combinaison de
deux qualités qui s'excluent généralement: un esprit prompt et souple;
une bienveillance — disons le mot — une bonté, à toute épreuve. Je ne
lui ai jamais vu sacrifier un sentiment même le plus humble à un trait
d'esprit, même le plus brillant. On peut me croire sincère. Mon vieil
ami n'est plus rien et ne reconnaîtra mon panégyrique que par une
plaisanterie. Peu importe; je devais le faire. Mais si l'on songe jamais à
écrire l'histoire de la société française depuis trente ans, le livre sera
incomplet, si au second plan, clans le demi-jour d'illustres intimités, il
ne réserve pas une place à Alfred Arago. J'en ai trop dit, et j'arrive au fait.
Comme tous les gens d'esprit, M. Arago a la manie de la collection.