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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 12.1875

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Nr. 2
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Histoire des éventails
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https://doi.org/10.11588/diglit.21841#0200

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

un des plus redoutables engins de la coquetterie. Pour s'éventer dans l'origine, la
femme dut évidemment recourir aux produits de l'industrie contemporaine qui repo-
sait tout entière entre les mains de la nature : les feuilles de palmier et de lotus, les
fougères la charmèrent tout d'abord par leur grâce flexible et leur légèreté; puis, un
beau jour, elle s'aperçut que le règne animal lui offrait des ressources supérieures et
le paon dut abandonner sa parure.

Quelques dates n'ajouteraient rien à la valeur des précieux documents historiques
que nous venons de mettre sous les yeux du lecteur ; il est acquis, croyons-nous, que
l'Orient s'évente avec rage depuis que le monde est monde, et l'usage ne semble pas
près d'en périr : il appert des relations de voyage les plus récentes, qu'en Chine
notamment l'éventail est le meuble par excellence, l'inséparable de tous, hommes et
femmes, grands et petits. Mme de Bourbourlon raconte que les soldats chinois manient
l'éventail, sous le feu de l'ennemi, avec une placidité incroyable.

Les Anglais de l'Inde s'attribuaient le mérite d'avoir inventé l'éventail-ventilateur
d'appartement, mais M. S. Blondel vint, qui leur jeta dans les jambes certain bas-relief
assyrien, vieux de trois mille ans, où l'on voit clairement fonctionner l'ingénieux appa-
reil qu'ils ont baptisé du nom de Pânk'hâ. — Suum cuique.

Ce qui est hors de conteste, c'est que les Japonais ont eu les premiers l'idée de plis-
ser l'éventail ; les Chinois eux-mêmes en conviennent. Ainsi donc, les anciens, propre-
ment dits, ceux d'Égypte, de Grèce et de Rome, n'auraient connu que l'éventail-écran.
Le silence du bas-relief est ici bien pénible; on aimerait à penser que les élégantes
d'Athènes et de Rome, dont l'imagination était si fertile en coquetteries, n'ont pas
ignoré le délicieux manège auquel se prête si bien le plissement ou le fractionnement
de l'éventail en languettes mobiles. Pour juger de toute l'importance de ce perfec-
tionnement, il faut avoir vu le petit meuble entre les doigts des Espagnoles s'épa-
nouir en faisant la roue, et soudain se replier comme les pétales d'une sensitive.

L'éventail étant de soi une bonne chose, il est presque superflu de dire que les
puissants de la terre élevèrent, dès le principe, la prétention de le monopoliser entre
leurs mains; sous quelque latitude qu'on se place, que l'on prenne un roi Pharaon ou
un prince aztèque, l'histoire ne varie pas ; l'éventail est décrété attribut de la souve-
raineté : il n'y aura pas d'éventails pour le pauvre monde. Cet odieux privilège sub-
sisterait peut-être encore de nos jours, n'était la toute-puissance des femmes qui, tou
jours et partout, parvint à l'abattre après une lutte opiniâtre; on frémit en pensant
que, sans elles, les soldats chinois seraient peut-être encore réduits à faire l'exercice
sans leur éventail !

Les premiers chrétiens ne dédaignèrent nullement les commodités du meuble qui
nous occupe; l'abbé Martigny croit pouvoir affirmer que saint Jérôme en fabriquait de
ses mains dans le désert' de Chalcis, ce qui semble indiquer que le produit trouvait un
écoulement facile. Saint Fulgence aussi, au dire du savant auteur du Dictionnaire des
Antiquités chrétiennes, mais il ne travaillait que pour les autels.

Si nous passons au moyen âge, nous trouvons qu'on s'évente peu : la légende de
l'attribut royal subsiste dans toute sa rigueur. L'éventail nous apparaît sous les espèces
majestueuses du flabelium; l'Église l'adopte dans sa liturgie en lui donnant un sens
mystérieux, qui, selon saint Jérôme, était de marquer la continence. Le seul monu-
ment de ce genre qui existe encore est le flabelium de l'abbaye de Saint-Filibert de
Tournus (ixe siècle) dont il sera parlé plus longuement dans cette revue, un jour ou
l'autre. « L'usage du flabelium subsiste encore chez les Grecs et les Arméniens; il a
 
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