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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 12.1875

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Nr. 6
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Bonnaffé, Edmond: Le pour et le contre
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https://doi.org/10.11588/diglit.21841#0516

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LE

POUR ET LE

CONTRE.

parler, est fixé une fois pour toutes. Nous pouvons le dépenser en pièces
d'or ou en gros sous, cela dépend des siècles; mais, l'allocation épuisée,
nous aurons beau prier, le banquier ferme impitoyablement sa porte.

« Or la science, qui se contentait jadis d'une part légitime, est devenue
plus exigeante en grandissant. Aujourd'hui c'est une maîtresse hautaine
et jalouse, qui veut régner seule et n'admet pas de partage. Elle a pris
pour elle tout le crédit, elle absorbe la provision créatrice sans rien lais-
ser à ses rivales.

a Voilà donc les lettres et les arts incapables de produire. Abandon-
nés par le dieu qui féconde, errant à l'aventure, ils vivent sur leurs
restes ; vous savez ce qu'ils sont devenus.

« Je ne parlerai point des lettres ; elles ont beaucoup souffert.

« L'architecture a disparu. On la cherche encore sans pouvoir la
trouver.

« La sculpture avait fait bonne contenance d'abord ; mais elle a com-
pris qu'il fallait vivre et s'est rabattue sur l'ameublement et l'orfèvrerie.
Elle s'adonne à la statuette, au surtout de table, et s'occupera bientôt des
pendules.

« La peinture a tout essayé. Courtisane amoureuse, elle se faisait pe-
tite pour tenir peu de place; au besoin elle montrait la jambe et la
gorge. Quand le public est devenu collectionneur, on l'a vue se jeter clans
la curiosité et pratiquer l'archéologie. Elle fait d'ailleurs tout ce qui con-
cerne son état, travaille pour les restaurants, les marchands de nouveau-
tés et l'exportation, s'affichant partout, folle de publicité, de réclames et
d'expositions.

« Il y a trente ans, on estimait encore l'art comme une fleur privilé-
giée, qu'il faut élever pour la bonne compagnie seulement; personne ne
se fût avisé de la compromettre dans un entourage indigne d'elle. On lui
faisait les honneurs d'un Salon, recueil peu nombreux et choisi avec
soin. Avec le temps, le Salon est devenu place publique. On a monté des
Expositions aux Champs-Elysées, aux Beaux-Arts, dans les cercles, dans
les ateliers, chez les marchands, à l'Hôtel des ventes, au profit des pau-
vres, des blessés, des artistes, avant et après décès, si bien que la foire
aux tableaux est permanente. Nous verrons bientôt le Bazar général de la
Peinture avec buffets, fleurs, concerts militaires et lumières électriques.
On garnira les murailles de nudités appétissantes, on fera circuler des
femmes à la mode; et le public sera bien dégoûté s'il n'accourt pas en
foule à ces joyeuses funérailles de l'École française.

« Cependant la manufacture des tableaux s'augmente chaque année ;
l'école et l'atelier se remplissent de plus belle et tous les jours quelque
 
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