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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

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Nr. 3
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Duranty, Edmond: Les curiosités du dessin antique dans les vases peints, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0208

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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plus éclairée. Des lueurs rougeâtres et aiguës filtrent par les fentes et
au sommet d’une petite construction arrondie dont la forme noire se
dresse près d’une sorte de hangar. Sur des pierres, sur des dalles sur
de petits fûts de colonnes fument trois ou quatre lampes en terre sem-
blables à des soucoupes, et qui envoient de languissants reflets vers les
objets environnants; des ombres, des silhouettes se découpent et par mo-
ments s’agitent sur les murailles de briques, que dore et avive un peu la
lumière des lampes. Sous le hangar, de petits murs forment tablettes et
portent des rangées de vases de différentes grandeurs.

C’est la maison d’un potier.

Par moments, de grands gestes animent les silhouettes sur la muraille,
un bras s’allonge, un nez, le contour d’un profil tranche net, opaque, sur
le clair doré du mur.

Près des lampes, et cependant peu colorés sous leur clarté, se tien-
nent plusieurs hommes assis ou debout. Ils causent à peine. L’in-
fluence apaisante de la nuit, l’obscurité, le silence ramènent chacun à ses
pensées et renferment l’œil et même l’esprit dans le petit cercle de ce
hangar éclairé.

Dans le lointain, on entend la mer mugir doucement sur la plage;
quelque grand chien de Thessalie aboie et gronde d’une voix sourde et
rauque ; par là-dessus, il semble qu’on entende aussi une harmonie vague
et mourante, qui s’enfle un instant, puis retombe comme un soupir de
brise; quelque chœur peut-être, soutenu par la double flûte, et que
répètent les prêtresses courtisanes du temple de Vénus, en haut de i’Acro-
corinthe dont la masse s’élève formidable vers le ciel, ou quelque lamen-
tation déclamée autour d’un lit funèbre, ou bien encore quelque chaut
répété vers la fin d’un banquet, ou enfin les hymnes mystérieuses d’une
initiation dans le bois sacré de Bellérophon.

En tunique courte, longs et sveltes, les ouvriers du potier, en atten-
dant que la cuisson se fasse au fond du four qui ronfle monotone, restent
dans leurs songeries ou leurs observations.

Un marchand de Théra a apporté le matin de ces beaux vases d’outre-
mer, à zones d’animaux mythiques, ornés de demi-cercles imbriqués
comme des écailles ; on les a beaucoup admirés. Ce sont des vases anciens
tels que le maître du four en possède déjà bon nombre.

Les ouvriers sont ici des esclaves, des gens d’Egine, de grossiers Sici-
liens à demi barbares, ou des descendants des anciens Toliens maîtres du
pays, subjugués par les Dorions et par eux réduits aux métiers manuels,
il en est même deux qu’on appelle les Phéniciens et qui ne sont pas les
moins habiles de ces ouvriers. Ils descendent de familles sidonienncs,
 
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