RUBENS.
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n’était pas des plus jolies : un air d’enfant, de beaux yeux ingénus, un
nez peu conforme à l'idéal antique, beaucoup de candeur sur un visage
bourgeois et dans l’âme une fleur de jeunesse. Le mariage fut une vraie
fête pour les deux familles. Rien n’y manqua, pas même l’épithalame en
vers latins.
Le texte de cette poésie, dont l’auteur était Philippe Rubens, nous a
été conservé. On y trouve, avec un peu de mythologie, tous les éléments
qui, en 1609, constituaient la base de ce poème spécial, je veux dire
l’invocation au dieu d’Hvmen, l’éloge de l’épousée et de l'époux, les
noms de Polygnote et d’Apelle, inévitables lorsque le mari est un peintre,
une invitation aux longues tendresses, la certitude que la jeune Isabelle
va recevoir de Rubens des baisers pareils à ceux que Vénus recevait
d’Adonis, à ceux que Psyché demandait à Lros. Sur ce point, l’auteur de
l’épithalame est tout à fait affirmatif. Son latin va même jusqu’à prévoir
l’accroissement très prochain de la famille. On songea, en effet, à remplir
cette condition essentielle du programme d’un mariage flamand. Du
mois d’octobre 4 609 au mois de juin 1626, date de sa mort, Isabelle
Brant donna à Rubens trois enfants, mais aucun d’eux ne devait marquer
dans l’histoire et nous pouvons les négliger1.
Du mariage de Rubens et d’Isabelle il nous est resté un souvenir plus
durable : le double portrait du peintre et de sa femme, conservé à la
Pinacothèque de Munich. Ce tableau, qu’il n’est pas téméraire de dater
de 1610, est deux fois intéressant : d’abord en raison de l’effigie des per-
sonnages, et ensuite parce qu’il nous montre comment Rubens peignait
au retour de son voyage à Rome et quel reste d'italianisme il avait
gardé au bout de son pinceau. Cette peinture est bien celle qu’un artiste
à la fois très habile et très sage peut faire sous le rayon indulgent d’une
lune de miel encore toute nouvelle. Assis près d’un bosquet de chèvre-
feuille, Rubens et sa jeune femme sont superbement vêtus à la mode
française de la fin du règne de Henri IV. Le peintre, figure sérieuse et
avenante, porte le feutre à larges bords et à forme conique, une superbe
collerette de dentelle, un justaucorps de velours frappé, de larges
chausses rembourrées et serrées au-dessus de la jambe par le ruban
d’une jarretière. Sa main gauche tient la garde d’une épée ; sa main
droite est posée sur son genou dans une attitude d’abandon. Isabelle a un
1. Clara, baptisée le 21 mars 1611.
Albert, baptisé le 5 juin 1614, présenté à l’église par Jean de Silva, au nom de
l’arcbiduc Albert, secrétaire du conseil privé en 1630, mort le 1er octobre 1657.
Nicolas, baptisé le 23 mars 1618, seigneur de Ramyen ou de Rameye, mort le
26 septembre 1655.
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n’était pas des plus jolies : un air d’enfant, de beaux yeux ingénus, un
nez peu conforme à l'idéal antique, beaucoup de candeur sur un visage
bourgeois et dans l’âme une fleur de jeunesse. Le mariage fut une vraie
fête pour les deux familles. Rien n’y manqua, pas même l’épithalame en
vers latins.
Le texte de cette poésie, dont l’auteur était Philippe Rubens, nous a
été conservé. On y trouve, avec un peu de mythologie, tous les éléments
qui, en 1609, constituaient la base de ce poème spécial, je veux dire
l’invocation au dieu d’Hvmen, l’éloge de l’épousée et de l'époux, les
noms de Polygnote et d’Apelle, inévitables lorsque le mari est un peintre,
une invitation aux longues tendresses, la certitude que la jeune Isabelle
va recevoir de Rubens des baisers pareils à ceux que Vénus recevait
d’Adonis, à ceux que Psyché demandait à Lros. Sur ce point, l’auteur de
l’épithalame est tout à fait affirmatif. Son latin va même jusqu’à prévoir
l’accroissement très prochain de la famille. On songea, en effet, à remplir
cette condition essentielle du programme d’un mariage flamand. Du
mois d’octobre 4 609 au mois de juin 1626, date de sa mort, Isabelle
Brant donna à Rubens trois enfants, mais aucun d’eux ne devait marquer
dans l’histoire et nous pouvons les négliger1.
Du mariage de Rubens et d’Isabelle il nous est resté un souvenir plus
durable : le double portrait du peintre et de sa femme, conservé à la
Pinacothèque de Munich. Ce tableau, qu’il n’est pas téméraire de dater
de 1610, est deux fois intéressant : d’abord en raison de l’effigie des per-
sonnages, et ensuite parce qu’il nous montre comment Rubens peignait
au retour de son voyage à Rome et quel reste d'italianisme il avait
gardé au bout de son pinceau. Cette peinture est bien celle qu’un artiste
à la fois très habile et très sage peut faire sous le rayon indulgent d’une
lune de miel encore toute nouvelle. Assis près d’un bosquet de chèvre-
feuille, Rubens et sa jeune femme sont superbement vêtus à la mode
française de la fin du règne de Henri IV. Le peintre, figure sérieuse et
avenante, porte le feutre à larges bords et à forme conique, une superbe
collerette de dentelle, un justaucorps de velours frappé, de larges
chausses rembourrées et serrées au-dessus de la jambe par le ruban
d’une jarretière. Sa main gauche tient la garde d’une épée ; sa main
droite est posée sur son genou dans une attitude d’abandon. Isabelle a un
1. Clara, baptisée le 21 mars 1611.
Albert, baptisé le 5 juin 1614, présenté à l’église par Jean de Silva, au nom de
l’arcbiduc Albert, secrétaire du conseil privé en 1630, mort le 1er octobre 1657.
Nicolas, baptisé le 23 mars 1618, seigneur de Ramyen ou de Rameye, mort le
26 septembre 1655.