LA STATUE DE ROBERT MALATESTA, AU LOUVRE.
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un milieu absolument romain, pour une cour exigeante et raffinée. On
devrait donc se tenir en défiance contre l’attribution de Vasari, acceptée
jusqu’ici sans discussion. Dans l’état actuel de nos connaissances, après
les publications de M. Miintz, il ne serait plus vraisemblable de soutenir
que la statue de Robert Malatesta est l’œuvre de Paolo di Mariano. Mais
au lecteur qui ne goûterait pas ces raisons de style je n’ai qu’un mot à
dire pour le convaincre ; c’est de rappeler qu’il résulte d’un document
publié dans le Repertorium fur Kunstwissenschaft (année 1881, p. A‘26 et
suiv.) que Paolo Romano était mort avant le mois de juillet 1/|73, c’est-
à-dire neuf ans avant le décès de Robert Malatesta. Les démonstrations de
cette nature sont de celles qu’on ne réfute pas. Encore un nom qui doit
disparaître des listes trop hâtivement dressées.
11 serait aussi difficile qu’imprudent de vouloir immédiatement sub-
stituer une attribution à celle qui n’a pu résister à la critique. Mais, quand
on a démoli, c’est un devoir de préparer les matériaux pour reconstruire.
En attendant qu’un document péremptoire vienne nous révéler le nom de
l’auteur du marbre du Louvre, nous serions disposé à chercher l’artiste
dans ce groupe de jeunes sculpteurs que les papes avaient attirés à Rome
de tous les coins de l’Italie et que M. Miintz1 nous a montrés travaillant à
la cour pontificale et allant un moment exécuter à Naples le célèbre arc
de triomphe d’Alphonse d’Aragon. On retrouve, nous semble-t-il, dans
cette œuvre, toute de décoration et pleine d’inégalités, quelques-unes des
qualités et quelques-uns des accents que nous avons signalés dans le bas-
relief du Louvre.
Le champ des investigations pourra, nous P espérons, être circonscrit
davantage. Le registre pontifical d’où M. Bertolotti a tiré son renseigne-
ment relate un payement fait à maître Eusebio da Caravaggio « pro depo-
sito.... de corpore quondam magnifier domini Roberti de Àrimino ». Le
mot deposilum doit peut-être s’entendre aussi bien dans le sens de tom-
beau que dans celui d’enterrement, et la somme payée peut regarder
aussi bien le sculpteur que l’architecte ou le simple maçon qui, suivant
les habitudes de l’époque, pouvaient être un seul et même homme. 11 ne
serait pas impossible que quelque jour un document nous apprît que le
Robert Malatesta du Louvre est l'œuvre d’un ouvrier aussi obscur que cet
Eusebio da Caravaggio. Loin de moi la pensée de me servir du texte de
M. Bertolotti pour assigner, à priori, à ce nouveau venu, qui n’est peut-
être qu’un vulgaire manœuvre, la paternité d’une œuvre aussi considé-
rable. Mais je désire ne pas l’exclure sans réflexion du nombre des con-
\. Les Arts à la cour des papes, t. I, p. 256.
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un milieu absolument romain, pour une cour exigeante et raffinée. On
devrait donc se tenir en défiance contre l’attribution de Vasari, acceptée
jusqu’ici sans discussion. Dans l’état actuel de nos connaissances, après
les publications de M. Miintz, il ne serait plus vraisemblable de soutenir
que la statue de Robert Malatesta est l’œuvre de Paolo di Mariano. Mais
au lecteur qui ne goûterait pas ces raisons de style je n’ai qu’un mot à
dire pour le convaincre ; c’est de rappeler qu’il résulte d’un document
publié dans le Repertorium fur Kunstwissenschaft (année 1881, p. A‘26 et
suiv.) que Paolo Romano était mort avant le mois de juillet 1/|73, c’est-
à-dire neuf ans avant le décès de Robert Malatesta. Les démonstrations de
cette nature sont de celles qu’on ne réfute pas. Encore un nom qui doit
disparaître des listes trop hâtivement dressées.
11 serait aussi difficile qu’imprudent de vouloir immédiatement sub-
stituer une attribution à celle qui n’a pu résister à la critique. Mais, quand
on a démoli, c’est un devoir de préparer les matériaux pour reconstruire.
En attendant qu’un document péremptoire vienne nous révéler le nom de
l’auteur du marbre du Louvre, nous serions disposé à chercher l’artiste
dans ce groupe de jeunes sculpteurs que les papes avaient attirés à Rome
de tous les coins de l’Italie et que M. Miintz1 nous a montrés travaillant à
la cour pontificale et allant un moment exécuter à Naples le célèbre arc
de triomphe d’Alphonse d’Aragon. On retrouve, nous semble-t-il, dans
cette œuvre, toute de décoration et pleine d’inégalités, quelques-unes des
qualités et quelques-uns des accents que nous avons signalés dans le bas-
relief du Louvre.
Le champ des investigations pourra, nous P espérons, être circonscrit
davantage. Le registre pontifical d’où M. Bertolotti a tiré son renseigne-
ment relate un payement fait à maître Eusebio da Caravaggio « pro depo-
sito.... de corpore quondam magnifier domini Roberti de Àrimino ». Le
mot deposilum doit peut-être s’entendre aussi bien dans le sens de tom-
beau que dans celui d’enterrement, et la somme payée peut regarder
aussi bien le sculpteur que l’architecte ou le simple maçon qui, suivant
les habitudes de l’époque, pouvaient être un seul et même homme. 11 ne
serait pas impossible que quelque jour un document nous apprît que le
Robert Malatesta du Louvre est l'œuvre d’un ouvrier aussi obscur que cet
Eusebio da Caravaggio. Loin de moi la pensée de me servir du texte de
M. Bertolotti pour assigner, à priori, à ce nouveau venu, qui n’est peut-
être qu’un vulgaire manœuvre, la paternité d’une œuvre aussi considé-
rable. Mais je désire ne pas l’exclure sans réflexion du nombre des con-
\. Les Arts à la cour des papes, t. I, p. 256.