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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Editor]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [20]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0292

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE. 273

de décence, quoiqu’elle soit presque nue, n’étant couverte que de ses che-
veux; que les lumières et les ombres y étaient dispensées avec une grande
entente, et les reflets aussi. Puis, j’ai ajouté en riant que la méditation sur
ce sujet était de quelque consolation pour ceux qui sont de complexion amou-
reuse, pour ce qu’il s’en faisait de grandes saintes et de grands saints, comme
l’on avait vu dans la Madelaine, dans saint Paul et saint Augustin, que pour
cela l’on n’avait qu’à changer l’objet de son amour; et, revenant au dessin,
j’ai dit, au sujet des reflets qui y sont puissants, qu’on en voyait peu dans les
ouvrages de Raphaël. lia reparti que c’était que Raphaël avait agi avec beau-
coup d’art et n’avait pas tant cherché la nature des coloris que les Lombards;
que, quand il mourut, il commençait à peindre de cette manière, comme il
se voit dans le portrait de Léon X, où sont tous ces beaux reflets et à
peindre comme dans ceux du Titien. Je lui ai dit à ce sujet que ce portrait
de Léon X, qui est à Rome, n’est pas réputé l’original, qu’il y en a un à
Florence1, et lui ayant conté l’histoire que rapporte Giorgio Vasari, il m’a
réparti que celui qui est à Farnèse est si beau qu’on ne peut pas s’imaginer
que ce ne soit l’original. Lui ayant dit ensuite ce que le même Giorgio Vasari
a rapporté de la copie qu’André del Sarto lit de ce portrait2, il m’a conté
qu’un des siens, qui dessinait nettement, ayant fait un jour une copie d’un
portrait de sa main, lequel il3 retoucha, il ne reconnaissait pas après lui-même
l’original de la copie. Sur ce discours, l’on lui est venu dire que M. le Nonce
et M. l’ambassadeur de Venise étaient là ; il est sorti pour les aller trouver.
L’ambassadeur regardant le portrait du roi, lui a dit qu’à considérer en com-
bien peu de temps il l’avait achevé, et travaillant avec la facilité qu’il fait, il
fallait, à l’âge qu’il a, qu’il eût fait un grand nombre d’ouvrages. Il a répondu
que si tous ceux qu’il a faits étaient ensemble, ils ne pourraient pas tenir
dans cette salle où ils étaient; qu’il avait fait divers portraits, un, entre
autres, d’un Anglais qui, ayant vu le portrait du roi d’Angleterre4 qu’il venait
d’achever sur5 ceux de Van Dyck qui lui avaient été envoyés, il lui vint une
si grande envie qu’il fit le sien, qu’il ne cessa qu’il ne lui eût promis de le
faire, lui promettant de lui en donner tout ce qu’il voudrait, pourvu qu’il le
fit sans que personne en sut rien, ce qu’il exécuta, et que cet Anglais lui en
donna.écus6. Il a dit qu’il était plus né pour être peintre que sculp-

1. Au palais Pitti.

2. Frédéric II, duc de Mantoue, ayant obtenu de Clément VII le don du portrait de Léon X,
par Raphaël, qu’il avait vu à Florence, Octavien de Médicis à qui le pape avait donné l’ordre
de l’expédier au duo, garda l’original et envoya à sa place une copie qu’il fit faire par
André del Sarto, copie si habilement exécutée qu’elle trompa non seulement le prince, mais
Jules Romain. Ce fut Vasari qui dévoila la supercherie à celui-ci. Voy. Vasari, Andrea del
Sarto, édit, de Florence, 1852, in-18, t. VIII, p. 281-282.

3. Il, Bernin.

4. Charles Ier.

5. Sur, d’après.

6. Voici comment l’histoire est racontée par Baldinucci (p. 19) : «Fu vero pero, che avendo
veduto la statua del Re fra gli altri, un nobilissimo e ricchissimo cavalière di Londra si accese
si fattamente di desiderio di farsi fare il proprio ritratto, che prese risoluzione di pigliare
viaggio a posta per alla volta di Roma ; e ad arnico, che l’interrogo, con quai sicurezza d’avere
esso ritratto egli voleva taie lunga peregrinazione intrapendere, giacchè (conr’ei diceva) il
Bernino non operava ad istanza d’ognuno, che il richiedesse, ma di chi più e meglio a lui

XXVII. — 2e PÉRIODE. 35
 
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