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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
assise soutenant sur ses genoux une mignonne petite fille qui vient de
pleurer et quelle console; quatre jeunes garçons, différents entre eux par
l’âge et la taille, sont debout, et placés ainsi : trois à la gauche et un à la
droite de leur grand’mère. Au second plan, une main posée sur la tête de
celui qui paraît être le second en âge, se tient dona Francisca, la fille de
Velâzquez et la femme de Mazo ; plus à gauche, on voit Mazo lui-même
s’inclinant légèrement vers l’aîné de ses fils, un adolescent déjà sérieux
et grave ; à son côté est placé Pareja, ce fidèle esclave qui a accompagné
partout Velâzquez et qui, un beau jour, s’est tout d’un coup révélé un
peintre habile. Au fond d’une assez longue galerie éclairée par une large
fenêtre, on aperçoit Velâzquez occupé à peindre un portrait de la reine
Marianne d’Autriche ; une nourrice, tenant en brassière un tout petit
enfant, s’approche de l’artiste.
Sur la paroi du fond, à gauche, se détache dans sa bordure d’ébène
un portrait de Philippe IV; devant ce portrait, sur une table drapée de
velours et chargée d’un vase de fleurs et de livres, est posé un buste de
marbre blanc qui nous paraît être celui d’Elisabeth de Bourbon, cette
première et si charmante femme de Philippe IV, dont la mémoire était
restée pour Velâzquez l’objet d’un véritable culte.
Sur cette toile, d’une très haute valeur comme coloris et comme
exécution, et si intéressante à tant d’autres égards, l’artiste a donc
groupé tout ce qui, de près ou de loin, lui était le plus cher. C’est une
merveille que de voir quelle variété, quelle intensité de vie et quelle
grâce à la fois spirituelle et attendrie il a apportées à peindre tous ces naïfs
minois d’enfants, et comme il a su imprimer aux traits de l’aïeule et de la
mère l’expression de la plus exquise tendresse !
Chose étrange : aucun des biographes espagnols n’a mentionné cette
peinture. A quelle date fut-elle exécutée? Ce dut être vraisemblablement
vers 1651 ou 1652 : c’est, en effet, seulement à cette époque et après
son retour à Madrid que, pour la première fois, Velâzquez put faire le
portrait de Marianne d’Autriche, dont le mariage avec Philippe IV avait eu
lieu en 16/t9, alors que l’artiste était en Italie.
L’âge des enfants de Mazo, de Juana Pacheco et de sa fille Francisca,
tels qu’ils apparaissent dans ce tableau, s’accorderait du reste avec cette
date de 1651-1652. Marié en 1631, Mazo pouvait très bien avoir ce
grand fils, déjà un petit homme, qui est sans doute ce don Caspar, son
aîné, en faveur duquel il obtint du roi, en 1658, la transmission de sa
charge à’huissier de la Chambre1.
U La supplique de Mazo fait partie des Archives du Palais, Maison de Phil. IV.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
assise soutenant sur ses genoux une mignonne petite fille qui vient de
pleurer et quelle console; quatre jeunes garçons, différents entre eux par
l’âge et la taille, sont debout, et placés ainsi : trois à la gauche et un à la
droite de leur grand’mère. Au second plan, une main posée sur la tête de
celui qui paraît être le second en âge, se tient dona Francisca, la fille de
Velâzquez et la femme de Mazo ; plus à gauche, on voit Mazo lui-même
s’inclinant légèrement vers l’aîné de ses fils, un adolescent déjà sérieux
et grave ; à son côté est placé Pareja, ce fidèle esclave qui a accompagné
partout Velâzquez et qui, un beau jour, s’est tout d’un coup révélé un
peintre habile. Au fond d’une assez longue galerie éclairée par une large
fenêtre, on aperçoit Velâzquez occupé à peindre un portrait de la reine
Marianne d’Autriche ; une nourrice, tenant en brassière un tout petit
enfant, s’approche de l’artiste.
Sur la paroi du fond, à gauche, se détache dans sa bordure d’ébène
un portrait de Philippe IV; devant ce portrait, sur une table drapée de
velours et chargée d’un vase de fleurs et de livres, est posé un buste de
marbre blanc qui nous paraît être celui d’Elisabeth de Bourbon, cette
première et si charmante femme de Philippe IV, dont la mémoire était
restée pour Velâzquez l’objet d’un véritable culte.
Sur cette toile, d’une très haute valeur comme coloris et comme
exécution, et si intéressante à tant d’autres égards, l’artiste a donc
groupé tout ce qui, de près ou de loin, lui était le plus cher. C’est une
merveille que de voir quelle variété, quelle intensité de vie et quelle
grâce à la fois spirituelle et attendrie il a apportées à peindre tous ces naïfs
minois d’enfants, et comme il a su imprimer aux traits de l’aïeule et de la
mère l’expression de la plus exquise tendresse !
Chose étrange : aucun des biographes espagnols n’a mentionné cette
peinture. A quelle date fut-elle exécutée? Ce dut être vraisemblablement
vers 1651 ou 1652 : c’est, en effet, seulement à cette époque et après
son retour à Madrid que, pour la première fois, Velâzquez put faire le
portrait de Marianne d’Autriche, dont le mariage avec Philippe IV avait eu
lieu en 16/t9, alors que l’artiste était en Italie.
L’âge des enfants de Mazo, de Juana Pacheco et de sa fille Francisca,
tels qu’ils apparaissent dans ce tableau, s’accorderait du reste avec cette
date de 1651-1652. Marié en 1631, Mazo pouvait très bien avoir ce
grand fils, déjà un petit homme, qui est sans doute ce don Caspar, son
aîné, en faveur duquel il obtint du roi, en 1658, la transmission de sa
charge à’huissier de la Chambre1.
U La supplique de Mazo fait partie des Archives du Palais, Maison de Phil. IV.