JOHANNES VERMEER.
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mais non moins touchés par la puissance de cet admirable artiste, lui ont
payé leur juste tribut d’éloges. M. Maxime Du Camp en 1857 (Revue de
Paris), Théophile Gautier, en 1858 (Moniteur), M. Paul Mantz, en 18(38
(Gazette des Beaux-Arts), M. Clément de Ris, en 1872 (Moniteur),
rendent à Yermeer toute la justice qui lui est due. Quant à M. Yiardot,
la précaution qu’il prend de nous inviter à ne pas confondre Johannes
Yermeer avec le vieux Gérard van der Meir, qui fut, comme chacun sait,
élève des VanEyck, si elle décèle un bon naturel, ennemi de toute com-
plication inutile, elle prouve aussi que l’œuvre mutilée de notre grand
artiste avait frappé l’auteur des Musées de Hollande.
Toutefois c’est à Thoré, ou plutôt àW. Bürger, car c’est sous ce nom
de guerre que notre regretté collaborateur entreprit sa campagne d’ex-
humation, c’est à W. Bürger que Johannes Vermeer est redevable de sa
réhabilitation, et c’est à lui qu’il faut en faire honneur. C’est à Bürger,
en effet, qui, avec une conviction, une ardeur, une passion qu’on ne
saurait trop louer et trop admirer, s’est attaché à découvrir une à une et
à mettre en lumière les œuvres de ce peintre inconnu, c’est à lui, c’est à
ses constantes investigations que nous devons d’avoir retrouvé une ving-
taine d’œuvres bien authentiques de ce maître si puissant et si fort, c’est
à son infatigable dévouement qu’il faut attribuer le légitime et grandis-
sant intérêt qui s’attache aujourd’hui aux ouvrages de ce maître si rare et
si parfait. Une seule chose a manqué à Bürger, c’est de pouvoir, en
fournissant quelques dates certaines, limiter la vie de son peintre de pré-
dilection, de ce « sphinx », comme il aimait à l’appeler. C’est cette
lacune que nous venons combler aujourd’hui.
II.
Rien n’est plus intéressant, passionnant même, que la chasse au
document, surtout quand elle a lieu sur un terrain incertain, mal connu
et qui se dérobe à chaque instant sous les pieds du chasseur. Dès sa
résolution arrêtée de percer les ténèbres qui entouraient son « sphinx »,
Bürger fut fort embarrassé et se trouva aux prises avec une prodigieuse
quantité de Jan Yan der Meer, car aucun nom n’est plus commun en
Hollande. Tout d’abord, rien que parmi les maîtres du xvne siècle, il en
rencontra quatre ayant manié le pinceau : 1° Jan van der Meer, d’Utrecht,
qui a peint de grands tableaux et des portraits; 2° Jan van der Meer, de
Haarlem, surnommé le \ieux, paysagiste, et 3° Jan van der Meer, de
IJaarlem, surnommé le Jeune, également paysagiste, mais dans le goût
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mais non moins touchés par la puissance de cet admirable artiste, lui ont
payé leur juste tribut d’éloges. M. Maxime Du Camp en 1857 (Revue de
Paris), Théophile Gautier, en 1858 (Moniteur), M. Paul Mantz, en 18(38
(Gazette des Beaux-Arts), M. Clément de Ris, en 1872 (Moniteur),
rendent à Yermeer toute la justice qui lui est due. Quant à M. Yiardot,
la précaution qu’il prend de nous inviter à ne pas confondre Johannes
Yermeer avec le vieux Gérard van der Meir, qui fut, comme chacun sait,
élève des VanEyck, si elle décèle un bon naturel, ennemi de toute com-
plication inutile, elle prouve aussi que l’œuvre mutilée de notre grand
artiste avait frappé l’auteur des Musées de Hollande.
Toutefois c’est à Thoré, ou plutôt àW. Bürger, car c’est sous ce nom
de guerre que notre regretté collaborateur entreprit sa campagne d’ex-
humation, c’est à W. Bürger que Johannes Vermeer est redevable de sa
réhabilitation, et c’est à lui qu’il faut en faire honneur. C’est à Bürger,
en effet, qui, avec une conviction, une ardeur, une passion qu’on ne
saurait trop louer et trop admirer, s’est attaché à découvrir une à une et
à mettre en lumière les œuvres de ce peintre inconnu, c’est à lui, c’est à
ses constantes investigations que nous devons d’avoir retrouvé une ving-
taine d’œuvres bien authentiques de ce maître si puissant et si fort, c’est
à son infatigable dévouement qu’il faut attribuer le légitime et grandis-
sant intérêt qui s’attache aujourd’hui aux ouvrages de ce maître si rare et
si parfait. Une seule chose a manqué à Bürger, c’est de pouvoir, en
fournissant quelques dates certaines, limiter la vie de son peintre de pré-
dilection, de ce « sphinx », comme il aimait à l’appeler. C’est cette
lacune que nous venons combler aujourd’hui.
II.
Rien n’est plus intéressant, passionnant même, que la chasse au
document, surtout quand elle a lieu sur un terrain incertain, mal connu
et qui se dérobe à chaque instant sous les pieds du chasseur. Dès sa
résolution arrêtée de percer les ténèbres qui entouraient son « sphinx »,
Bürger fut fort embarrassé et se trouva aux prises avec une prodigieuse
quantité de Jan Yan der Meer, car aucun nom n’est plus commun en
Hollande. Tout d’abord, rien que parmi les maîtres du xvne siècle, il en
rencontra quatre ayant manié le pinceau : 1° Jan van der Meer, d’Utrecht,
qui a peint de grands tableaux et des portraits; 2° Jan van der Meer, de
Haarlem, surnommé le \ieux, paysagiste, et 3° Jan van der Meer, de
IJaarlem, surnommé le Jeune, également paysagiste, mais dans le goût