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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

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Nr. 6
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Bigot, Charles: Le Salon de 1883, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0490

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466

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dances de la jeune école française ; aveugle qui se fût obstiné à les nier !
Elles sont bien évidentes aujourd’hui; elles s’imposent à tous les yeux.
Aucun Salon n’a jamais fait voir aussi clairement que celui de 1883, et la
fin d’un art et l’avènement d’un art nouveau.

II.

Il faut parler d’abord de l’art qui s’en va.

Oui, il en faut bien décidément faire notre deuil, nous ne verrons
plus sans doute de longtemps de grand art religieux. L’Italie, l’Espagne,
la France même y ont trouvé en d’autres temps d’admirables inspirations ;
un artiste sincèrement chrétien, quelque autre Hippolyte Flandrin, s’il en
revient un parmi nous, pourra trouver encore à la source sainte la
même inspiration; mais ce qui manque aujourd’hui aux artistes, comme
à la plupart de leurs contemporains, c’est la foi véritable.

Est-ce bien un Christ} par exemple, que le supplicié attaché par
M. Morot à ces deux morceaux de bois mal équarris, qui figurent une
double potence plutôt qu’une croix? Je vois bien au bas une inscription
en trois langues, destinée à nous apprendre que ce supplicié est Jésus de
Nazareth, roi des Juifs, mais cette surabondance d’épigraphie suffit à
peine à me persuader. L’auteur assurément connaît son métier de peintre,
et fort bien ! Les jambes sont un excellent morceau d’exécution, la lumière
joue habilement sur la poitrine et les épaules ; l’artiste s’est donné bien
du mal pour serrer sous de grosses cordes le bas des jambes du patient ;
il a essayé d’augmenter l’horreur du supplice en lui enfonçant de gros
clous jusque dans l’avant-bras; il s’en est donné plus encore pour impri-
mer à la tête l’expression qu’il cherchait, — et pourtant il ne réussit
pas à nous émouvoir. Jésus-Christ, nous dit la doctrine catholique, était
à la fois Dieu et homme : le Christ mourant de M. Morot n’est, je le
crains bien, ni homme ni Dieu.

M. Carolus Duran vient de s’exercer, lui aussi, et pour la seconde fois,
à la peinture religieuse. C’est un récidiviste. Après la Mise au tombeau,
qui se distinguait surtout par de jolis tons mis les uns à côté des autres,
voici la Tentation d’un saint dont j’ignore le nom. Tandis que le vénérable
ermite est en prière devant le crucifix, ce crucifix se transforme. Au lieu
du pâle Christ, mort pour le salut des hommes, c’est une belle fille qui
apparaît devant lui, pleine de vie et de santé, les bras ouverts, son beau
corps nu, ses longs cheveux blonds retombant autour d’elle, un vaste
manteau rouge flottant en arrière et faisant mieux valoir encore la splen-
 
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