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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Bigot, Charles: Le Salon de 1883, 1
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0502

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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des champs à cultiver clans le domaine de l’art. Chacun peut s’y marquer
son petit coin et cultiver son jardin comme il l’entend; mais ce que l’on
peut affirmer, c’est qu’aujourd’hui Turcs et Egyptiens, Marocains ou
Espagnolisants ne feront plus école parmi nous. La mode est passée sans
retour d’ici longtemps de ces curiosités exotiques.

Et il en faut dire tout autant des scènes de genre historiques, qui
plaisent encore à quelques-uns, comme à M. Gide par exemple, ou à
M. Pille, ou à M. Adrien Moreau, ou à M. Willems. On peut aimer plus
ou moins, et souvent moins que plus, leurs étoffes, leurs dentelles, leurs
recherches curieuses de costumes ; eux non plus ne feront plus école,
et leur règne est passé. — Il passe aussi le règne des jolies petites femmes
de notre temps, chères à M. Toulmouche ou à M. Saintin, vêtues à la der-
nière mode, propres comme des sous neufs, jolies poupées de porcelaine
qui se tiennent debout dans une serre, un bouquet à la main, ou vont
s’asseoir sur quelque canapé bleu, soigneusement épousseté. — Et il est
passé aussi le règne de l’anecdote plus ou moins ingénieuse, de la peinture
spirituelle et raffinée qui porte dans l’art la comédie de salon. On accueil-
lera toujours selon son mérite le peintre qui s’avisera d’avoir de l’es-
prit et parviendra à nous distraire ou à nous égayer; il ne s’agit d’ex-
communier ni rien ni personne. Que l’un nous représente une scène du
volontariat d’un an, le volontaire indolemment couché sur son lit et lisant
le Figaro, tandis qu’à deux pas un brave piou-piou s’escrime à
cirer ses souliers ; qu’un autre se plaise à nous représenter un photo-
graphe qui vient de placer son objectif devant une momie, tirant sa
montre et disant : « Et maintenant ne bougeons plus! » si la peinture
était bonne, vraiment nous serions prêts à sourire devant l’œuvre du
peintre. Que M. Marius Roy nous introduise dans la cuisine où bout la
popotte d’une compagnie, qu’il nous montre les aides en train d’éplucher
les carottes et les choux, tandis que le chef, une main sur son dos, goûte
gravement le bouillon , — la peinture est bonne et nous nous arrêtons
gaiement à la regarder. Mais encore une fois le goût public n’est plus là;
les peintres d’anecdotes, eux non plus, ne sont que l’exception plus ou
moins heureuse ; eux non plus, ils ne leront plus école désormais. On
nous montrera bien encore, çà et là, quelque cardinal contant des gau-
drioles à une belle dame en paniers qui sort la tête de sa chaise à porteurs;
quelque moine égrillard, quelque dîner de curés de campagne à l’heure
du café et des anecdotes drolatiques, mais la grande vogue du genre est
passée et ce n’est pas moi qui m’en plaindrai. — Adieu, paniers, vendanges
sont faites !

CHARLES BIGOT.

(La suite prochainement.
 
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