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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
qu’ils excitaient le peintre à dessiner plus attentivement le contour du
bras et de la jambe, ne lui laissaient plus de force pour ajouter au corps
quelques traits d’anatomie intérieure.
C’est la science du dessin, la marche générale que nous étudions ici,
non le charme individuel de telle ou telle œuvre. L’analyse est un peu
sèche, mais elle ne porte pas sur des questions de goût plus ou moins
vagues.
Les peintres de figures noires se rattachent jusqu’à la fin de leur
fabrication à des traditions plus antiques, plus archaïques que leurs rivaux
des figures rouges. Ils sont relativement conservateurs, surtout vers la
fin, tandis que ceux-ci représentent la jeune école, hardie, aventureuse,
alerte.
Je n’ai pas aperçu de femmes nues parmi les figures noires. Leur
type, toujours drapé, a le contour, entre les reins et la cuisse, bien moins
accusé qu’il ne se montre aux figures rouges.
Au début de l’art noir elles ont commencé par être habillées de robes
qu’une ceinture coupe à la taille et qui tombent droit et carrément, sans
plis, cachant toute espèce de contours, sauf sur quelques vases où le sein
s’accentue par un profil à l’égyptienne, qui donne plutôt l’idée de la
saillie de la corniche que celle d’une poitrine. Il y eut ensuite une ten-
dance à évaser leur buste vers les épaules.
La draperie primitive indique quelquefois par des lignes de sépara-
tion le vêtement de dessus et celui de dessous. Sur les vases corinthiens,
qui sont de style si archaïque, le dessinateur trace de temps en temps
quelques plis ondulés, moyennement espacés, dont les groupes de lignes
courent en sens divers, marquant des vêtements qui se superposent et
rappelant le bas-relief d’Athènes, dit de la femme en chàir.
La tète des personnages est presque toujours ou trop petite ou trop
grosse pour le corps; aux femmes des vases corinthiens cette grosseur
devient par moments d’une choquante disproportion.
Dans toute la première série de l’art noir jusqu’au moment où l’on
réduisit le champ rouge à ne plus former que deux espèces de cadres,
de tableaux réservés dans la couverte du vase, noire pour tout l’ensemble,
il y a une singulière animation. Pour des gens qui procèdent des Egyp-
tiens et des Assyriens, ils ont une vivacité, un entrain, une hardiesse, un
goût naïf de la vérité ou plutôt d’une disposition vraie et mouvementée
de leurs scènes, qui a bien paru aux époques reculées de l’Égypte, mais
qui n’existait guère plus dans la sculpture contemporaine de Ninive et
de Sais, fort portée en revanche à la perfection du modelé, des détails,
mais aussi à adopter des rythmes, des symétries, des espacements que
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qu’ils excitaient le peintre à dessiner plus attentivement le contour du
bras et de la jambe, ne lui laissaient plus de force pour ajouter au corps
quelques traits d’anatomie intérieure.
C’est la science du dessin, la marche générale que nous étudions ici,
non le charme individuel de telle ou telle œuvre. L’analyse est un peu
sèche, mais elle ne porte pas sur des questions de goût plus ou moins
vagues.
Les peintres de figures noires se rattachent jusqu’à la fin de leur
fabrication à des traditions plus antiques, plus archaïques que leurs rivaux
des figures rouges. Ils sont relativement conservateurs, surtout vers la
fin, tandis que ceux-ci représentent la jeune école, hardie, aventureuse,
alerte.
Je n’ai pas aperçu de femmes nues parmi les figures noires. Leur
type, toujours drapé, a le contour, entre les reins et la cuisse, bien moins
accusé qu’il ne se montre aux figures rouges.
Au début de l’art noir elles ont commencé par être habillées de robes
qu’une ceinture coupe à la taille et qui tombent droit et carrément, sans
plis, cachant toute espèce de contours, sauf sur quelques vases où le sein
s’accentue par un profil à l’égyptienne, qui donne plutôt l’idée de la
saillie de la corniche que celle d’une poitrine. Il y eut ensuite une ten-
dance à évaser leur buste vers les épaules.
La draperie primitive indique quelquefois par des lignes de sépara-
tion le vêtement de dessus et celui de dessous. Sur les vases corinthiens,
qui sont de style si archaïque, le dessinateur trace de temps en temps
quelques plis ondulés, moyennement espacés, dont les groupes de lignes
courent en sens divers, marquant des vêtements qui se superposent et
rappelant le bas-relief d’Athènes, dit de la femme en chàir.
La tète des personnages est presque toujours ou trop petite ou trop
grosse pour le corps; aux femmes des vases corinthiens cette grosseur
devient par moments d’une choquante disproportion.
Dans toute la première série de l’art noir jusqu’au moment où l’on
réduisit le champ rouge à ne plus former que deux espèces de cadres,
de tableaux réservés dans la couverte du vase, noire pour tout l’ensemble,
il y a une singulière animation. Pour des gens qui procèdent des Egyp-
tiens et des Assyriens, ils ont une vivacité, un entrain, une hardiesse, un
goût naïf de la vérité ou plutôt d’une disposition vraie et mouvementée
de leurs scènes, qui a bien paru aux époques reculées de l’Égypte, mais
qui n’existait guère plus dans la sculpture contemporaine de Ninive et
de Sais, fort portée en revanche à la perfection du modelé, des détails,
mais aussi à adopter des rythmes, des symétries, des espacements que