36
GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
très grande échelle, et le procédé eut une vogue telle qu'il arriva
ceci : les Français lui donnèrent le nom de manière anglaise, bien
que le procédé vraiment caractéristique des Anglais soit, non le
pointillé, mais la gravure en manière noire au racloir. Il n’importe :
à la fin du xvme siècle, le terme manière anglaise indique exclusi-
vement le pointillé.
Dans le travail particulier qu’il nécessite, les entailles produites
par la pointe ou le burin forment sur le cuivre des aspérités ou
barbes, que l’on enlève au grattoir. On intercale d’autres points
entre les premiers, pour obtenir un grain aussi serré qu’on le
désire, travail long et minutieux qui réclame plus d’habileté
manuelle que de génie. Il est difficile aux pointilleurs de vaincre
une certaine mollesse, les contours n’étant déterminés que par une
suite de points ; pourtant le rendu moelleux auquel le graveur
arrive convient bien à la reproduction de certains dessins, à ceux
de Prud’hon par exemple, d’Angelica Kauffmann et de Cipriani, et
se prête à merveille au tirage en couleurs dit à la poupée. Nous
avons eu en France quelques excellents pointilleurs pénétrés du
sentiment de leur modèle, tels sont Copia et Roger, interprètes
exquis du divin Prud’hon; mais ce n’est qu’exceptionnellement que
l’on rencontre tirés en couleurs Y Amour réduit à la Raison, la Vertu
aux prises avec le Vice, etc. Fragonard a été plus souvent honoré de
ces tirages de choix; sa couleur harmonieuse, la nature de ses
sujets s'e prêtaient bien à ces fantaisies et l’aimable estampe du
Baiser à la dérobée est là pour en témoigner. Nicolas-François
Régnault qui l’a gravée mettait une grande douceur à son poin-
tillage. Le Matin, le Soir et la Nuit, sujets galants de sa composition,
se rencontrent, il est vrai, plutôt revêtus d’un coloriage à la main
plus ou moins réussi, mais il s’est surpassé dans deux jolies petites
estampes d’un fini très précieux, le Lever et le Bain, dont l’une est
d’après Baudouin. Les épreuves sont repérées, preuve que plusieurs
planches ont été nécessaires pour obtenir cette perfection de minia-
ture. Rappelons, pour donner une idée de la valeur de ces jolies
pièces, qu’à la vente Muhlbacher, la première a été vendue 600 et
l'autre 385 francs.
Cazenave, Chaponnier, Tresca, ont surtout pris les peintures un
peu trop léchées de Louis Boilly pour modèles. Tresca nous parait
le plus habile des trois avec la Douce Résistance et On la tire
aujourd'hui, estampes vraiment agréables dans, les épreuves tirées
en couleurs, et dont l’égrillard ne dépasse pas les bornes permises.
GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
très grande échelle, et le procédé eut une vogue telle qu'il arriva
ceci : les Français lui donnèrent le nom de manière anglaise, bien
que le procédé vraiment caractéristique des Anglais soit, non le
pointillé, mais la gravure en manière noire au racloir. Il n’importe :
à la fin du xvme siècle, le terme manière anglaise indique exclusi-
vement le pointillé.
Dans le travail particulier qu’il nécessite, les entailles produites
par la pointe ou le burin forment sur le cuivre des aspérités ou
barbes, que l’on enlève au grattoir. On intercale d’autres points
entre les premiers, pour obtenir un grain aussi serré qu’on le
désire, travail long et minutieux qui réclame plus d’habileté
manuelle que de génie. Il est difficile aux pointilleurs de vaincre
une certaine mollesse, les contours n’étant déterminés que par une
suite de points ; pourtant le rendu moelleux auquel le graveur
arrive convient bien à la reproduction de certains dessins, à ceux
de Prud’hon par exemple, d’Angelica Kauffmann et de Cipriani, et
se prête à merveille au tirage en couleurs dit à la poupée. Nous
avons eu en France quelques excellents pointilleurs pénétrés du
sentiment de leur modèle, tels sont Copia et Roger, interprètes
exquis du divin Prud’hon; mais ce n’est qu’exceptionnellement que
l’on rencontre tirés en couleurs Y Amour réduit à la Raison, la Vertu
aux prises avec le Vice, etc. Fragonard a été plus souvent honoré de
ces tirages de choix; sa couleur harmonieuse, la nature de ses
sujets s'e prêtaient bien à ces fantaisies et l’aimable estampe du
Baiser à la dérobée est là pour en témoigner. Nicolas-François
Régnault qui l’a gravée mettait une grande douceur à son poin-
tillage. Le Matin, le Soir et la Nuit, sujets galants de sa composition,
se rencontrent, il est vrai, plutôt revêtus d’un coloriage à la main
plus ou moins réussi, mais il s’est surpassé dans deux jolies petites
estampes d’un fini très précieux, le Lever et le Bain, dont l’une est
d’après Baudouin. Les épreuves sont repérées, preuve que plusieurs
planches ont été nécessaires pour obtenir cette perfection de minia-
ture. Rappelons, pour donner une idée de la valeur de ces jolies
pièces, qu’à la vente Muhlbacher, la première a été vendue 600 et
l'autre 385 francs.
Cazenave, Chaponnier, Tresca, ont surtout pris les peintures un
peu trop léchées de Louis Boilly pour modèles. Tresca nous parait
le plus habile des trois avec la Douce Résistance et On la tire
aujourd'hui, estampes vraiment agréables dans, les épreuves tirées
en couleurs, et dont l’égrillard ne dépasse pas les bornes permises.