BIBLIOGRAPHIE.
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la plus spirituelle. 11 fait le portrait de la Guimard, la célèbre danseuse, et décore
le salon de son hôtel de la rue de la Chaussée-d’Antin. Mme Du Barry lui achète
des dessus de porte pour son pavillon de Louvecienncs et lui commande les
fameuses peintures qui sont aujourd'hui chez M. Malvilan, à Grasse. Il travaille
pour le baron de Saint-Julien (panneaux de l’hôtel Laffitte, aujourd’hui à la
famille Rothschild) et exécute la grande toile décorative de la Fête de Saint-Cloud
qui se trouve actuellement dans la salle à manger de la Banque de France.
Puis le diable se fait ermite. Fragonard marié se range. 11 peint la Famille
du fermier, la Donne Mère, la Visite ci la nourrice, Y Heureuse Fécondité, tableaux
de famille, « d’une sentimentalité fine et moins larmoyante que celle de Greuze ».
Il part en Italie avec le financier Bergeret de Grandcour et voyage comme un
prince. Tout le monde le fête, le choyé; le cardinal de Bernis l’accueille avec
toutes sortes d’égards. Au bout d’un an, il revient à Paris, rappelé par la nou-
velle de la mort de Louis XV. C’est vers ce moment qu’il illustre les Contes de La
Fontaine, qu'il répand avec prodigalité ses croquis, ses eaux-fortes, ses élégantes
et magiques sépias.
C’est la fin d’un beau jour dont le déclin lance encore dans l’espace « d’écla-
tants rayons, les plus dorés peut-être ».
Le vieux peintre, alerte et gai jusqu’à la dernière heure, s’éteint subitement,
enlevé par une congestion cérébrale, le 22 août 1806, à l’àge de soixante-quinze ans.
Fragonard n’est ni un novateur, ni un chef d’école. Il se contente d’être artiste
dans la plus fine acception du mot; c’est un sensuel, un raffiné ; c’est, avant tout,
un exécutant d’un charme incomparable, un harmoniste dont les oeuvres resteronl.
en dépit des changements de la mode, le régal des délicats. Dans ce siècle des
vignettistes, personne ne le fait oublier, et les amateurs le tiendront toujours
pour un illustrateur de premier ordre.
LOUIS CONSE.
César Borgia, — sa vie, sa captivité, sa mort, d’après de nouveaux
documents, par M. Charles Yriarte B
Après les intéressantes études que notre excellent collaborateur, M. Charles
Yriarte, a publiées ici même, sur les portraits de Lucrèce Borgia et sur ceux de
César, il n’était pas nécessaire d’être grand prophète pour prévoir qu’il se laisse-
rait prendre par l’extraordinaire et énigmatique figure du duc de Valentinois,
le terrible fils d’Alexandre VI. Il n’en était pas assurément, avec- celle de sa
sœur, dans l’histoire politique de la Renaissance, de plus étrange et de moins
connue. Gregorovius, l’illustre historien de Lucrèce, en avait tracé un portrait
magistral, sorte de médaille hautaine et fruste, burinée d’une main sévère. Il
appartenait à l’auteur des Arts à la cour clés Mcilatesta de faire sortir le personnage
des nimbes delà légende et de lui donner vie au contact des documents d’archives.
La tâche était ardue, redoutable. Les jugements les plus contradictoires avaient
été émis sur le célèbre aventurier. Certains historiens, acceptant tout sans con-
trôle, avaient créé autour de César Borgia « une atmosphère de sang où Ton ne 1
1. Paris, J. Rothschild, 1889, 2 vol. in-8°, avec portraits, médailles, autographes,
monuments et cartes.
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la plus spirituelle. 11 fait le portrait de la Guimard, la célèbre danseuse, et décore
le salon de son hôtel de la rue de la Chaussée-d’Antin. Mme Du Barry lui achète
des dessus de porte pour son pavillon de Louvecienncs et lui commande les
fameuses peintures qui sont aujourd'hui chez M. Malvilan, à Grasse. Il travaille
pour le baron de Saint-Julien (panneaux de l’hôtel Laffitte, aujourd’hui à la
famille Rothschild) et exécute la grande toile décorative de la Fête de Saint-Cloud
qui se trouve actuellement dans la salle à manger de la Banque de France.
Puis le diable se fait ermite. Fragonard marié se range. 11 peint la Famille
du fermier, la Donne Mère, la Visite ci la nourrice, Y Heureuse Fécondité, tableaux
de famille, « d’une sentimentalité fine et moins larmoyante que celle de Greuze ».
Il part en Italie avec le financier Bergeret de Grandcour et voyage comme un
prince. Tout le monde le fête, le choyé; le cardinal de Bernis l’accueille avec
toutes sortes d’égards. Au bout d’un an, il revient à Paris, rappelé par la nou-
velle de la mort de Louis XV. C’est vers ce moment qu’il illustre les Contes de La
Fontaine, qu'il répand avec prodigalité ses croquis, ses eaux-fortes, ses élégantes
et magiques sépias.
C’est la fin d’un beau jour dont le déclin lance encore dans l’espace « d’écla-
tants rayons, les plus dorés peut-être ».
Le vieux peintre, alerte et gai jusqu’à la dernière heure, s’éteint subitement,
enlevé par une congestion cérébrale, le 22 août 1806, à l’àge de soixante-quinze ans.
Fragonard n’est ni un novateur, ni un chef d’école. Il se contente d’être artiste
dans la plus fine acception du mot; c’est un sensuel, un raffiné ; c’est, avant tout,
un exécutant d’un charme incomparable, un harmoniste dont les oeuvres resteronl.
en dépit des changements de la mode, le régal des délicats. Dans ce siècle des
vignettistes, personne ne le fait oublier, et les amateurs le tiendront toujours
pour un illustrateur de premier ordre.
LOUIS CONSE.
César Borgia, — sa vie, sa captivité, sa mort, d’après de nouveaux
documents, par M. Charles Yriarte B
Après les intéressantes études que notre excellent collaborateur, M. Charles
Yriarte, a publiées ici même, sur les portraits de Lucrèce Borgia et sur ceux de
César, il n’était pas nécessaire d’être grand prophète pour prévoir qu’il se laisse-
rait prendre par l’extraordinaire et énigmatique figure du duc de Valentinois,
le terrible fils d’Alexandre VI. Il n’en était pas assurément, avec- celle de sa
sœur, dans l’histoire politique de la Renaissance, de plus étrange et de moins
connue. Gregorovius, l’illustre historien de Lucrèce, en avait tracé un portrait
magistral, sorte de médaille hautaine et fruste, burinée d’une main sévère. Il
appartenait à l’auteur des Arts à la cour clés Mcilatesta de faire sortir le personnage
des nimbes delà légende et de lui donner vie au contact des documents d’archives.
La tâche était ardue, redoutable. Les jugements les plus contradictoires avaient
été émis sur le célèbre aventurier. Certains historiens, acceptant tout sans con-
trôle, avaient créé autour de César Borgia « une atmosphère de sang où Ton ne 1
1. Paris, J. Rothschild, 1889, 2 vol. in-8°, avec portraits, médailles, autographes,
monuments et cartes.