WÀTTEAU.
189
Quand revint-il de Valenciennes?Nous ne le savons pas. Mariette
l’a ignoré ; mais c’est lui qui nous apprend qu’à son retour à Paris
« après son voyage de Flandres », l’artiste alla demeurer chez Sirois.
Son intimité avec l’honnête marchand devint dès lors très étroite.
Watteau, installé dans la maison, n’eut donc aucun effort à faire
pour se lier avec Gersaint qui était déjà ou qui allait devenir le mari
d’une des filles de Sirois. Et c'est même à ce propos que Mariette
nous parle du portrait de femme en habit de chasseuse que Benoit
Audran a gravé sous le titre Retour de chasse ( Venationis reditus).
D’après une tradition dont on ne connaît pas l’origine et dont on
retrouve la trace dans l’inscription manuscrite consignée sur
l’épreuve du Cabinet des Estampes, ce portrait serait celui de Mrae de
Vermanton, nièce de Julienne. Mariette est d’un autre avis. Cette
jeune victorieuse au justaucorps serré à la taille et coiffée d’un
tricorne qu’agrémente un nœud de ruban, serait « une des filles
du sieur Sirois ». Comment l’aurait-il dit, s’il ne le savait pas?
Dans la biographie de Watteau, telle qu’on essaie de la recons-
tituer d’après les textes, l’année 1711 est remplacée par une page
blanche. Il y a là une lacune que rien n’est venu combler. Mais pour
1712, nous sommes moins ignorant : un fait intellectuel d’une impor-
tance capitale se produit dans la vie du jeune maître : il entre en
relation avec Pierre Crozat et il travaille pour lui. Desplaces, Renard
du Bos, Fessard et Audran ont gravé d’après Watteau quatre plan-
ches représentant les Saisons. Ces tableaux de forme ovale et d’une
dimension inusitée pour le maître (H. 4 pieds 5 pouces, 1. 3 pieds
9 pouces) ont été peints par Watteau pour la salle à manger de l’hôtel
Crozat. On n’en peut guère parler que d'après les gravures1. Sur ces
quatre peintures, Caylus est curieux à entendre. Les Saisons, dit-il,
« sont presque demi-nature et quoiqu’il les ait exécutées d’après
les esquisses de M. de La Fosse, on y voit tant de manière et de
sécheresse qu’on n’en sçauroit rien dire de bon ». On reconnaît là le
langage d’un ami. Mais ce n’est pas seulement la bonne grâce qui
manque aux paroles de Caylus : c’est aussi l’exactitude. En 1712,
Watteau a vingt-huit ans ; il a déjà fait preuve d’invention et
d’esprit et il n’a nul besoin des esquisses de La Fosse pour peindre
1. Ainsi que le rappelle M. K. de Goncourt, deux de ces toiles, Y Été et YHiver,
figuraient en 1786 à la vente du duc de Choiseul, en 1791 à celle de Lebrun. Depuis
lors, on les perd de vue. Nous devons dire cependant que, d’après Clément de Ris,
YHiver (était-ce l’original ou une copie?) se trouvait, avant 1858, « singulièrement
détérioré » au château de Chenonceaux (Les Amateurs d’autrefois, p. 190).
189
Quand revint-il de Valenciennes?Nous ne le savons pas. Mariette
l’a ignoré ; mais c’est lui qui nous apprend qu’à son retour à Paris
« après son voyage de Flandres », l’artiste alla demeurer chez Sirois.
Son intimité avec l’honnête marchand devint dès lors très étroite.
Watteau, installé dans la maison, n’eut donc aucun effort à faire
pour se lier avec Gersaint qui était déjà ou qui allait devenir le mari
d’une des filles de Sirois. Et c'est même à ce propos que Mariette
nous parle du portrait de femme en habit de chasseuse que Benoit
Audran a gravé sous le titre Retour de chasse ( Venationis reditus).
D’après une tradition dont on ne connaît pas l’origine et dont on
retrouve la trace dans l’inscription manuscrite consignée sur
l’épreuve du Cabinet des Estampes, ce portrait serait celui de Mrae de
Vermanton, nièce de Julienne. Mariette est d’un autre avis. Cette
jeune victorieuse au justaucorps serré à la taille et coiffée d’un
tricorne qu’agrémente un nœud de ruban, serait « une des filles
du sieur Sirois ». Comment l’aurait-il dit, s’il ne le savait pas?
Dans la biographie de Watteau, telle qu’on essaie de la recons-
tituer d’après les textes, l’année 1711 est remplacée par une page
blanche. Il y a là une lacune que rien n’est venu combler. Mais pour
1712, nous sommes moins ignorant : un fait intellectuel d’une impor-
tance capitale se produit dans la vie du jeune maître : il entre en
relation avec Pierre Crozat et il travaille pour lui. Desplaces, Renard
du Bos, Fessard et Audran ont gravé d’après Watteau quatre plan-
ches représentant les Saisons. Ces tableaux de forme ovale et d’une
dimension inusitée pour le maître (H. 4 pieds 5 pouces, 1. 3 pieds
9 pouces) ont été peints par Watteau pour la salle à manger de l’hôtel
Crozat. On n’en peut guère parler que d'après les gravures1. Sur ces
quatre peintures, Caylus est curieux à entendre. Les Saisons, dit-il,
« sont presque demi-nature et quoiqu’il les ait exécutées d’après
les esquisses de M. de La Fosse, on y voit tant de manière et de
sécheresse qu’on n’en sçauroit rien dire de bon ». On reconnaît là le
langage d’un ami. Mais ce n’est pas seulement la bonne grâce qui
manque aux paroles de Caylus : c’est aussi l’exactitude. En 1712,
Watteau a vingt-huit ans ; il a déjà fait preuve d’invention et
d’esprit et il n’a nul besoin des esquisses de La Fosse pour peindre
1. Ainsi que le rappelle M. K. de Goncourt, deux de ces toiles, Y Été et YHiver,
figuraient en 1786 à la vente du duc de Choiseul, en 1791 à celle de Lebrun. Depuis
lors, on les perd de vue. Nous devons dire cependant que, d’après Clément de Ris,
YHiver (était-ce l’original ou une copie?) se trouvait, avant 1858, « singulièrement
détérioré » au château de Chenonceaux (Les Amateurs d’autrefois, p. 190).