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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
mouvement de la lutte vitale à travers mille silhouettes très diverses.
Il en est de vastes, d’étriquées, de molles et d’onduleuses. Pas un
visage de ces mille visages ne ressemble à un second. Cependant
le sceau de la race ne s’efface point sur la moindre de ces ligures,
depuis la ligne de lanciers à cheval, arborant à chaque profil l’obsti-
nation victorieuse de la vigueur saxonne chez des gaillards de vingt-
cinq ans, jusque la série de déchus, introduits à la station et défilant,
humbles, sous les casques des policemen pendus aux clous par leurs
jugulaires.
Le procédé de M. Renouard déconcerte. Les corps de ses per-
sonnages demeurent toujours des silhouettes à peu de détails. Aux
figures, par contre, il accorde la précision de son habileté. Ce sont
des instantanés quasi photographiques, dont, expérimentateur sa-
vant, il expulsa les ombres fâcheuses et les buées qui voilent. Seu-
lement la lumière reste fausse dans la plupart de ses compositions.
Le soin de mettre en valeur un geste, un regard, un plissement du
visage, une barbe, l’oblige à faire se contredire la nature de l’at-
mosphère. Et d’importantes fautes déparent beaucoup de ses entre-
prises.
Il n’en est pas ainsi dans l’évocation de son parc londonien, jon-
ché de malheureux qui dorment sur l’herbe de la pelouse. Les atti-
tudes étonnent par leur naturel d’animaux en lassitude, malgré les
paletots et les chapeaux dont ils demeurent ornés. Cette bestialité
des êtres les assimile à des bœufs couchés dans un pacage; et il se
révèle une intention excellente de relier, par l’étude des poses, les
types de la série animale, où il nous surprend toujours d’être comptés.
M. Renouard, dans sa besogne quotidienne de dessinateur,
réalisa la juxtaposition des deux méthodes qui extériorisent les des-
tins de l’art. Il soigne dans l’expression des visages la personnalité
del’être confiant en sa limite. Il voue les corps au rythme du mouve-
ment obscur qui entraîne l’humanité vers le vague de ses buts.
Traités en silhouettes, les corps dépendent de directions générales. On
peut le remarquer dans tel carton, où un groupe de passants fuit
à l’arrivée de la cavalerie ; dans tel autre, où un monôme de poli-
cemen stationne au magasin d’habillements, entre des monceaux de
tuniques.
La double prétention de traduire et la personnalité de l’être, et
le mouvement général qui le place dans la synthèse de son milieu,
occasionne, en dépit du mérite du projet, les excusables défauts d'in-
harmonie.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
mouvement de la lutte vitale à travers mille silhouettes très diverses.
Il en est de vastes, d’étriquées, de molles et d’onduleuses. Pas un
visage de ces mille visages ne ressemble à un second. Cependant
le sceau de la race ne s’efface point sur la moindre de ces ligures,
depuis la ligne de lanciers à cheval, arborant à chaque profil l’obsti-
nation victorieuse de la vigueur saxonne chez des gaillards de vingt-
cinq ans, jusque la série de déchus, introduits à la station et défilant,
humbles, sous les casques des policemen pendus aux clous par leurs
jugulaires.
Le procédé de M. Renouard déconcerte. Les corps de ses per-
sonnages demeurent toujours des silhouettes à peu de détails. Aux
figures, par contre, il accorde la précision de son habileté. Ce sont
des instantanés quasi photographiques, dont, expérimentateur sa-
vant, il expulsa les ombres fâcheuses et les buées qui voilent. Seu-
lement la lumière reste fausse dans la plupart de ses compositions.
Le soin de mettre en valeur un geste, un regard, un plissement du
visage, une barbe, l’oblige à faire se contredire la nature de l’at-
mosphère. Et d’importantes fautes déparent beaucoup de ses entre-
prises.
Il n’en est pas ainsi dans l’évocation de son parc londonien, jon-
ché de malheureux qui dorment sur l’herbe de la pelouse. Les atti-
tudes étonnent par leur naturel d’animaux en lassitude, malgré les
paletots et les chapeaux dont ils demeurent ornés. Cette bestialité
des êtres les assimile à des bœufs couchés dans un pacage; et il se
révèle une intention excellente de relier, par l’étude des poses, les
types de la série animale, où il nous surprend toujours d’être comptés.
M. Renouard, dans sa besogne quotidienne de dessinateur,
réalisa la juxtaposition des deux méthodes qui extériorisent les des-
tins de l’art. Il soigne dans l’expression des visages la personnalité
del’être confiant en sa limite. Il voue les corps au rythme du mouve-
ment obscur qui entraîne l’humanité vers le vague de ses buts.
Traités en silhouettes, les corps dépendent de directions générales. On
peut le remarquer dans tel carton, où un groupe de passants fuit
à l’arrivée de la cavalerie ; dans tel autre, où un monôme de poli-
cemen stationne au magasin d’habillements, entre des monceaux de
tuniques.
La double prétention de traduire et la personnalité de l’être, et
le mouvement général qui le place dans la synthèse de son milieu,
occasionne, en dépit du mérite du projet, les excusables défauts d'in-
harmonie.