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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 16.1896

DOI issue:
Nr. 6
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Logan, Mary: Le triptyque attribué à Juste d'Allemagne au Musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24682#0518

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492

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Le panneau principal (qui est, soit dit en passant, beaucoup
plus haut que les volets et non de hauteur égale, comme dans la
reproduction donnée ici), représente XAnnonciation. La grâce et la
simplicité de l’arrangement sont des plus rares. Deux colonnes
élancées se dressent au-dessus d'un horizon relativement assez rap-
proché, encadrant un plaisant paysage d’une paisible rusticité et un
ciel brumeux de teinte opaline. A gauche, se levant du prie-Dieu
délicatement sculpté sur lequel elle était agenouillée, la Vierge
passe son bras autour de la colonne, tressaillante au son de la voix
de l’ange. Il y a une originalité vraiment intime dans la conception
de cette scène ; l’ange Gabriel, en effet, n’y est pas représenté, comme
d’habitude, sous la ligure d’un beau jeune homme ailé, mais sous la
forme d’un joli enfant joufflu. Partout, dans ce panneau, les détails
sont exécutés avec la plus exquise linesse : les carrelages du pavé,
les ornements du parapet, et le beau vase élégant qui est posé dessus,
contenant un bouquet d’œillets disposés avec le bon goût qu’ap-
portent les Japonais à l’arrangement des fleurs, tous ces accessoires
ne sauraient être peints d’une façon plus séduisante. Le même
goût raffiné a conduit l’auteur à maintenir son coloris dans une
harmonie d’argent et d’or atténué, qui, à elle seule, donne un
enchantement infini à l’œuvre. Chaque touche, en résumé, révèle
un artiste de qui l’intérêt ne réside pas dans l’expression d’un idéal
très élevé, ni dans la reproduction réaliste de la vie, mais dans un
rendu des détails destiné à produire un effet purement décoratif ;
c’est l’homme dont le génie propre serait de se livrer au travail du
laque japonais ou du cuir estampé, mais qu’un heureux accident a
transformé en peintre, et qui, lorsqu’il donne essor à ses aptitudes
naturelles, quelque modestes peut-être qu’elles soient, est capable
de créer une de ces œuvres hautement décoratives, malheureusement
trop rares dans l’histoire de la peinture.

Nous ne devons pas nous attendre à voir un tel maître briller
entièrement à son honneur là où il n’y a pas prétexte à peindre
des accessoires avec grand soin ni matière à paysages décoratifs,
comme, par exemple, dans les figures isolées ; aussi ne sommes-
nous pas surpris de constater que les volets du triptyque —
très certainement de la même main, — tout en ayant le môme
coloris tempéré, mais suffisant, manquent totalement de ce charme
qui rayonne dans le merveilleux panneau du milieu. Cependant,
au point de vue de la construction générale et les proportions de
l’œuvre étant données, ces volets servent à renforcer ce sentiment de
 
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