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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
coloration et on y a reconnu le style de Giacomo délia Porta. Mais
au temps de sa splendeur, le palais Farnèse reçut bien d’autres
ornements. Lorsque le cardinal Odoardo Farnèse, le fils du rival
d’Henri IV, eut la pensée de mettre en ordre les statues antiques
recueillies par ses prédécesseurs et de faire décorer les murailles de
fresques, ce fut un déploiement nouveau de magnificence. L’Hercule
de Glycon, le Taureau d’Apollonios, la Flore, les Gladiateurs, les
bustes de Paul III par Michel-Ange, emplissent les galeries, les ves-
tibules et les salles d’apparat. Cependant les murs se couvraient des
peintures de Daniel de Volterra,de Salviati,de Vasari,et des fresques
de Carrache. Les rois de Naples, héritiers des Farnèse, ont emporté
les marbres dans leur royaume, et plusieurs sont aujourd’hui au
musée : le palais romain n’a gardé que les fresques.
On peut ne pas aimer les Carrache; mais on ne peut se défendre
d’un instant d’étonnement à voir la grande galerie où Annibal et
Augustin Carrache ont fait planer les dieux d’Ovide. Le salle est
fort belle : le long des murs courent des moulures blanc et or; de
grandes niches, ornées de statues, s’ouvrent sur les côtés des lambris ;
des cariatides imitant le marbre soutiennent la voûte; et c’est
dans ce cadre somptueux, mais resté harmonieux, que les artistes
bolonais ont fait vivre l’Olympe avec leur imagination fougueuse,
sensuelle, un peu maniérée, mais éclatante et d’un grand effet.
Annibal Carrache, appelé à Rome par le cardinal Odoardo, a
versé dans les peintures du palais Farnèse toute la fantaisie molle
et somptueuse de son esprit. Son frère Augustin, d’abord son colla-
borateur, lui céda la place et se consacra à la gravure. Durant huit
années Annibal Carrache a travaillé à la grande galerie, couvrant le
plafond, les murailles, les panneaux et les médaillons de ses récits
mythologiques. Le motif central représente Le Triomphe de Bacckus
et cCAriane. Ils s’avancent sur des chariots d’or traînés par des tigres
et des chèvres; la foule des bacchantes et des satyres les environne;
des Amours traversent les airs; des nymphes jouent du tambourin;
Silène s’endort : c’est une ivresse universelle, mais olympienne.
A gauche, Pan offre à Diane le lait de ses chèvres; à droite,
Mercure offre à Paris la pomme d’or. Aux deux extrémités de la
voûte, Apollon et l'Aurore, Jupiter et Ganymède. Entre la voûte et la
frise, sur le mur perpendiculaire, une autre série de scènes se déve-
loppe : c’est Anchise qui détache la sandale de Vénus, c’est l’Aurore
qui embrasse Céphale avec exubérance, tandis que ses chevaux
s’élancent dans la nuit; c’est Hercule qui oublie ses travaux en
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coloration et on y a reconnu le style de Giacomo délia Porta. Mais
au temps de sa splendeur, le palais Farnèse reçut bien d’autres
ornements. Lorsque le cardinal Odoardo Farnèse, le fils du rival
d’Henri IV, eut la pensée de mettre en ordre les statues antiques
recueillies par ses prédécesseurs et de faire décorer les murailles de
fresques, ce fut un déploiement nouveau de magnificence. L’Hercule
de Glycon, le Taureau d’Apollonios, la Flore, les Gladiateurs, les
bustes de Paul III par Michel-Ange, emplissent les galeries, les ves-
tibules et les salles d’apparat. Cependant les murs se couvraient des
peintures de Daniel de Volterra,de Salviati,de Vasari,et des fresques
de Carrache. Les rois de Naples, héritiers des Farnèse, ont emporté
les marbres dans leur royaume, et plusieurs sont aujourd’hui au
musée : le palais romain n’a gardé que les fresques.
On peut ne pas aimer les Carrache; mais on ne peut se défendre
d’un instant d’étonnement à voir la grande galerie où Annibal et
Augustin Carrache ont fait planer les dieux d’Ovide. Le salle est
fort belle : le long des murs courent des moulures blanc et or; de
grandes niches, ornées de statues, s’ouvrent sur les côtés des lambris ;
des cariatides imitant le marbre soutiennent la voûte; et c’est
dans ce cadre somptueux, mais resté harmonieux, que les artistes
bolonais ont fait vivre l’Olympe avec leur imagination fougueuse,
sensuelle, un peu maniérée, mais éclatante et d’un grand effet.
Annibal Carrache, appelé à Rome par le cardinal Odoardo, a
versé dans les peintures du palais Farnèse toute la fantaisie molle
et somptueuse de son esprit. Son frère Augustin, d’abord son colla-
borateur, lui céda la place et se consacra à la gravure. Durant huit
années Annibal Carrache a travaillé à la grande galerie, couvrant le
plafond, les murailles, les panneaux et les médaillons de ses récits
mythologiques. Le motif central représente Le Triomphe de Bacckus
et cCAriane. Ils s’avancent sur des chariots d’or traînés par des tigres
et des chèvres; la foule des bacchantes et des satyres les environne;
des Amours traversent les airs; des nymphes jouent du tambourin;
Silène s’endort : c’est une ivresse universelle, mais olympienne.
A gauche, Pan offre à Diane le lait de ses chèvres; à droite,
Mercure offre à Paris la pomme d’or. Aux deux extrémités de la
voûte, Apollon et l'Aurore, Jupiter et Ganymède. Entre la voûte et la
frise, sur le mur perpendiculaire, une autre série de scènes se déve-
loppe : c’est Anchise qui détache la sandale de Vénus, c’est l’Aurore
qui embrasse Céphale avec exubérance, tandis que ses chevaux
s’élancent dans la nuit; c’est Hercule qui oublie ses travaux en