Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 6.1911)

ainsi dire animale. IL faut arriver devant leurs tableaux avec l’àme
de l’alouette séduite par les miroirs tournants du chasseur, avec l’âme
du dilettante ému par les sonorités çle l’orchestre wagnérien.

Gozzoli, Boucher, Puvis de Chavannes, Albert Besnard composent
une œuvre aux destinées véritablement décoratives quand ils con-
traignent la muraille de Bise, le trumeau de l’hôtel de Soubise, la
nef du Panthéon, la coupole du Petit Palais à nous parler ce langage
exaltant pour les facultés réceptives de notre rétine. Car la pein-
ture décorative doit essentiellement parer l’édifice de teintes et de
lignes propres à déterminer tels ou tels sentiments, indéfinis, de
joie, de calme, d’anxiété, d’espoir, comme la musique d’orchestre
les détermine, sans le guide accessoire de la parole chantée.

L’OEUVRE D’ALBERT BESNARD 439

son devoir de peintre autant que Rubens, Watteau, Manet ou Degas.
Cela distingue cet art de celui trop enclin à signifier le sujet avant
de signifier la couleur. Boucher, s’il accumula des lumières sur un
groupe de nymphes blanches et roses qu’entourent les ombres d’un
bocage, prit un soin pareil de saisir l’attention optique avant l’atten-
tion mentale. Les toiles des grands peintres doivent nous attirer
comme le pavois d’un navire en fête. Avant de susciter notre
réflexion, elles doivent exciter violemment notre sensibilité pour

LA MATIÈRE, PAR ALBERT BESNARD
(Coupole du Petit Palais.)