GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Tvionfi. du « très excellent et très scientifique philosophe et poète »,
livre très « utille et proffitable à homme pour congnoistre soy
mesmes et sa fin 1 », Ne parlons pas de Paris, où affluent toutes les
influences. C’est Lyon, copieuse éditrice de Plutarque elle aussi2,
qui italianise le plus. La riche travailleuse ne se borne pas à étaler
dans les cortèges ses draps d’or, ses soies et ses velours. Les « na-
tions » italiennes qui y colonisent, lucquoi.se, milanaise, florentine,
« pompoient » devant Eléonore, Henri II et Charles IX. En d548
les Lucquois défilent en chevaliers romains, avec « corselets, palu-
dament militaire » et « tête crespée à la césarienne ». Ce fut, du
reste, un accès d’ivresse archéologique et italienne. Car la cité a
le goût de ces fêtes héroïques : de celle de 1548 elle fait deux
éditions, l’une en français rédigée par le poète hermétique Maurice
Scève et Claude de Tillemont, l’autre italienne, qui vante « la tna-
qnificentia et generosita romana » de la « nobile et antiqua cittas ».
L’archevêque est précisément à cette époque Ilippolyte d’Este, car-
dinal de Ferrare. Aux environs du « Cambio » et de la « Badia »
d’Ainay « tant renommée par Strabon et Juvénal » s’élèvent de
magnifiques arcs de triomphe sous lesquels le cortège s’avance
avec une « gravité » romaine. Fière du Rhône et de la Saône,
sources de sa richesse, elle les représente sur l’un d’eux en dieux
fluviaux couchés parmi les joncs. Le roi, moderne imperator, assiste
à un combat de douze gladiateurs et à une naumachie « con galere
fatte al modo antiqao ». En 1574 Henri III, revenant de Venise,
passera la Saône sur un « Bucentaure ». Lyon se fait même toscane
à plaisir : la « nation florentine » joue une comédie pour le roi
dans une salle où maestro Zanobi, appelé de Florence par les éche-
vins, sculpte à l’antique les figures d’hommes d’Etat toscans comme
Laürent de Médicis et Farinata Uberti, de philosophes comme
Platon, de poètes comme Dante, Boccace, Pétrarque, de légis-
lateurs comme Accursius, et peint en figures féminines Pise, Cor-
tone, Fiesole, Arezzo et Pistoie. Le premier cycle rappelle celui qui
ornait la bibliothèque du duc d’Urbin ou la villa des Pandolfini
près Florence. Ajoutons que des triomphes, où se balancent les
1. Les Triumphes.... translatez à Rouen (Bibl. Nat., ms. franç. 594) ; Le Livre des
Triomphes de Françoys Petrache en italien, avec traduction du commentaire de
Bernard Illicinio (Bibl. Nat., ms. franç. 223); Traité des Remèdes de Fortune (Bibl.
Nat., ms. franç. 225), tous les trois du régne de Louis XII.
2. 1531, 1532, 1550, etc.
3. La magnifica et triumphale Entrata del christianissimo Re di Francia Henrico
Secundo (in Lyone, appresso Gulielmo Rouillio, 1549).
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Tvionfi. du « très excellent et très scientifique philosophe et poète »,
livre très « utille et proffitable à homme pour congnoistre soy
mesmes et sa fin 1 », Ne parlons pas de Paris, où affluent toutes les
influences. C’est Lyon, copieuse éditrice de Plutarque elle aussi2,
qui italianise le plus. La riche travailleuse ne se borne pas à étaler
dans les cortèges ses draps d’or, ses soies et ses velours. Les « na-
tions » italiennes qui y colonisent, lucquoi.se, milanaise, florentine,
« pompoient » devant Eléonore, Henri II et Charles IX. En d548
les Lucquois défilent en chevaliers romains, avec « corselets, palu-
dament militaire » et « tête crespée à la césarienne ». Ce fut, du
reste, un accès d’ivresse archéologique et italienne. Car la cité a
le goût de ces fêtes héroïques : de celle de 1548 elle fait deux
éditions, l’une en français rédigée par le poète hermétique Maurice
Scève et Claude de Tillemont, l’autre italienne, qui vante « la tna-
qnificentia et generosita romana » de la « nobile et antiqua cittas ».
L’archevêque est précisément à cette époque Ilippolyte d’Este, car-
dinal de Ferrare. Aux environs du « Cambio » et de la « Badia »
d’Ainay « tant renommée par Strabon et Juvénal » s’élèvent de
magnifiques arcs de triomphe sous lesquels le cortège s’avance
avec une « gravité » romaine. Fière du Rhône et de la Saône,
sources de sa richesse, elle les représente sur l’un d’eux en dieux
fluviaux couchés parmi les joncs. Le roi, moderne imperator, assiste
à un combat de douze gladiateurs et à une naumachie « con galere
fatte al modo antiqao ». En 1574 Henri III, revenant de Venise,
passera la Saône sur un « Bucentaure ». Lyon se fait même toscane
à plaisir : la « nation florentine » joue une comédie pour le roi
dans une salle où maestro Zanobi, appelé de Florence par les éche-
vins, sculpte à l’antique les figures d’hommes d’Etat toscans comme
Laürent de Médicis et Farinata Uberti, de philosophes comme
Platon, de poètes comme Dante, Boccace, Pétrarque, de légis-
lateurs comme Accursius, et peint en figures féminines Pise, Cor-
tone, Fiesole, Arezzo et Pistoie. Le premier cycle rappelle celui qui
ornait la bibliothèque du duc d’Urbin ou la villa des Pandolfini
près Florence. Ajoutons que des triomphes, où se balancent les
1. Les Triumphes.... translatez à Rouen (Bibl. Nat., ms. franç. 594) ; Le Livre des
Triomphes de Françoys Petrache en italien, avec traduction du commentaire de
Bernard Illicinio (Bibl. Nat., ms. franç. 223); Traité des Remèdes de Fortune (Bibl.
Nat., ms. franç. 225), tous les trois du régne de Louis XII.
2. 1531, 1532, 1550, etc.
3. La magnifica et triumphale Entrata del christianissimo Re di Francia Henrico
Secundo (in Lyone, appresso Gulielmo Rouillio, 1549).