L’ŒUVRE DE THÉODORE ROUSSEAU
AUX SALONS, DE 1849 A 1867
OKsQu’après environ quinze années d’ex-
clusion Théodore Rousseau, en 1849,
accepté par le nouveau jury, se
retrouva aux Salons officiels, il allait
non seulement avoir à y justifier de-
vant tous la renommée de « martyr » •
que les romantiques avaient attachée
à son nom, mais, dans les rangs mêmes
de ses partisans, sentir des réticences,
rencontrer des réserves, et, quand son
avidité de tout exprimer hasarderait des formules inédites, se heurter
à une réprobation déclarée. Poursuivre le ton du détail au point où
l’y incitait l’esprit de l’analyse, sans doute cela ne pouvait apparaître
U fait que d’un rare et surprenant artiste, mais ce serait aussi'
encourir, de la Revue clés Deux Mondes, où plus qu'ailleurs se
Pesaient les vocables, l’accusation sévère du « pédantisme de la
clairvoyance1 »! Être à peine parvenu à mi-chemin de sa carrière,
se trouver encore en deçà de la quarantaine, et déjà voir dressé le
considérable bilan qui suit de tout ce qu’on a interprété : « arbres
coses sous le bleu froid du ciel d’hiver2, feuilles grillées par l’au-
tomne ou safranées par le froid, maigres squelettes des forêts se
dessinant sur l’arête des coteaux, terrains nus, tapis d’Aubusson à
U mousse, pentes rugueuses que mamelonnent des verrues de
cochers, fouillis de broussailles échevelées, mares où sous la rouille
des plantes aquatiques miroite- une eau noire, où tremble par
place le reflet du ciel, nuages à formes bizarres où le couchant attise
L Article de H. de Laborde (n° de juin 18S31.
Allusion au tableau dénommé Le Curé, qui lui avait été inspiré par son-
séjour dans le Berri, en 1842.
AUX SALONS, DE 1849 A 1867
OKsQu’après environ quinze années d’ex-
clusion Théodore Rousseau, en 1849,
accepté par le nouveau jury, se
retrouva aux Salons officiels, il allait
non seulement avoir à y justifier de-
vant tous la renommée de « martyr » •
que les romantiques avaient attachée
à son nom, mais, dans les rangs mêmes
de ses partisans, sentir des réticences,
rencontrer des réserves, et, quand son
avidité de tout exprimer hasarderait des formules inédites, se heurter
à une réprobation déclarée. Poursuivre le ton du détail au point où
l’y incitait l’esprit de l’analyse, sans doute cela ne pouvait apparaître
U fait que d’un rare et surprenant artiste, mais ce serait aussi'
encourir, de la Revue clés Deux Mondes, où plus qu'ailleurs se
Pesaient les vocables, l’accusation sévère du « pédantisme de la
clairvoyance1 »! Être à peine parvenu à mi-chemin de sa carrière,
se trouver encore en deçà de la quarantaine, et déjà voir dressé le
considérable bilan qui suit de tout ce qu’on a interprété : « arbres
coses sous le bleu froid du ciel d’hiver2, feuilles grillées par l’au-
tomne ou safranées par le froid, maigres squelettes des forêts se
dessinant sur l’arête des coteaux, terrains nus, tapis d’Aubusson à
U mousse, pentes rugueuses que mamelonnent des verrues de
cochers, fouillis de broussailles échevelées, mares où sous la rouille
des plantes aquatiques miroite- une eau noire, où tremble par
place le reflet du ciel, nuages à formes bizarres où le couchant attise
L Article de H. de Laborde (n° de juin 18S31.
Allusion au tableau dénommé Le Curé, qui lui avait été inspiré par son-
séjour dans le Berri, en 1842.