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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
superbe planche, la première œuvre de Bonhomme que j’aie vue,
celle qui m’a engagé à le mieux connaître, comme elle a dû susciter
le même désir chez tous ceux qui l'ont remarquée.
Les dessins de Bonhommé sont peut-être de lui ce que notre goût
moderne aime le plus facilement. On ne se trompe pas sur un dessin
de Bonhommé; sa signature y est, frappante, dans une manière ou
plutôt — car rien n’est moins de la manière -— dans une volonté de
désigner, d’accentuer le caractère des êtres et des choses. Ce sont
des reprises, des traits repassés, appuyés, des détails de machinerie
où la vérité vivante de la transposition découvre une beauté iné-
dite. Sous le dessin, vous retrouverez peut-être l’épure, mais c’est
une épure reprise par un vrai peintre et c’est finalement quelque
chose d’unique dans l’histoire du dessin, et qui excite toujours la
curiosité.
De ces dessins, les uns sont de véritables portraits d’ouvriers,
d’un trait concis et net, parfois même un peu sec, s’attachant à
reproduire l’attitude habituelle à la tâche et même le pli professionnel
du vêtement. Car c’était une des idées chères à Bonhommé que le
vêtement suffit à révéler le travail et que la manche d’un lamineur
n’est pas celle d’un forgeron.
A côté de ces études exactes jusqu’au scrupule, M. E.-S. Auscher,
qui sauva de la dispersion plusieurs cartons du maître, conserve des
compositions complètes, achevées comme des tableaux, des inté-
rieurs d’ateliers construits au tire-lignes, des enchevêtrements
d’agrès complexes à s’y perdre, où tout se range avec ordre, et en
même temps, animés, ravissants dans le clair-obscur, pleins de
vigueur et d’accent. D’autres encore sont des scènes de la mine, des
groupes équilibrés, composés comme des bas-reliefs. Tels le Conseil
dans la mine et le Maréchal ferrant.
Moins pacifiques que celles de l’industrie, d’autres « conquêtes »
passionnèrent le fils du peintre en voitures. Les journées révolution-
naires de 48 l’eurent comme spectateur, même comme combattant,
puisqu’il reçut la médaille commémorative. Des lithographies per-
pétuent ses souvenirs. Elles ne sont qu’une partie du recueil qu’il
voulait consacrer aux événemen ts d’alors, et que le coup d’Etat l’em-
pêcha de continuer.
On y aurait trouvé les portraits de tous les représentants du
peuple, portraits en pied « dessinés d’après nature », dit la notice
d’annonce, <> au Palais de l’Assemblée nationale et gravés sur acier,
sous la direction de M. Péronard par MM. Age, etc. » (suit une
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
superbe planche, la première œuvre de Bonhomme que j’aie vue,
celle qui m’a engagé à le mieux connaître, comme elle a dû susciter
le même désir chez tous ceux qui l'ont remarquée.
Les dessins de Bonhommé sont peut-être de lui ce que notre goût
moderne aime le plus facilement. On ne se trompe pas sur un dessin
de Bonhommé; sa signature y est, frappante, dans une manière ou
plutôt — car rien n’est moins de la manière -— dans une volonté de
désigner, d’accentuer le caractère des êtres et des choses. Ce sont
des reprises, des traits repassés, appuyés, des détails de machinerie
où la vérité vivante de la transposition découvre une beauté iné-
dite. Sous le dessin, vous retrouverez peut-être l’épure, mais c’est
une épure reprise par un vrai peintre et c’est finalement quelque
chose d’unique dans l’histoire du dessin, et qui excite toujours la
curiosité.
De ces dessins, les uns sont de véritables portraits d’ouvriers,
d’un trait concis et net, parfois même un peu sec, s’attachant à
reproduire l’attitude habituelle à la tâche et même le pli professionnel
du vêtement. Car c’était une des idées chères à Bonhommé que le
vêtement suffit à révéler le travail et que la manche d’un lamineur
n’est pas celle d’un forgeron.
A côté de ces études exactes jusqu’au scrupule, M. E.-S. Auscher,
qui sauva de la dispersion plusieurs cartons du maître, conserve des
compositions complètes, achevées comme des tableaux, des inté-
rieurs d’ateliers construits au tire-lignes, des enchevêtrements
d’agrès complexes à s’y perdre, où tout se range avec ordre, et en
même temps, animés, ravissants dans le clair-obscur, pleins de
vigueur et d’accent. D’autres encore sont des scènes de la mine, des
groupes équilibrés, composés comme des bas-reliefs. Tels le Conseil
dans la mine et le Maréchal ferrant.
Moins pacifiques que celles de l’industrie, d’autres « conquêtes »
passionnèrent le fils du peintre en voitures. Les journées révolution-
naires de 48 l’eurent comme spectateur, même comme combattant,
puisqu’il reçut la médaille commémorative. Des lithographies per-
pétuent ses souvenirs. Elles ne sont qu’une partie du recueil qu’il
voulait consacrer aux événemen ts d’alors, et que le coup d’Etat l’em-
pêcha de continuer.
On y aurait trouvé les portraits de tous les représentants du
peuple, portraits en pied « dessinés d’après nature », dit la notice
d’annonce, <> au Palais de l’Assemblée nationale et gravés sur acier,
sous la direction de M. Péronard par MM. Age, etc. » (suit une